Conditions d’exercice du métier


Le Cnesco a publié un rapport scientifique sur l’attractivité du métier d’enseignant. Ce rapport propose une exploration des conditions d’exercice du métier d’enseignant pouvant avoir un impact sur le choix réalisé par les étudiants : salaire, image du métier, formation, entrée dans le métier, temps de travai let possibilité de seconde carrière.

 

Une rémunération des enseignants dans la moyenne de l’OCDE

Un salaire inférieur aux autres métiers, particulièrement en fin de carrière

Dans le cadre du rapport, Marc Gurgand, Directeur de recherche au CNRS et membre du Cnesco, apporte des éléments de comparaison des salaires entre enseignants et non-enseignants en France.

Ainsi, sur la dernière décennie, un professeur des écoles gagnait, en moyenne, presque 600 € nets mensuels de moins que les autres salariés diplômés du supérieur. Cet écart dépasse les 200 € nets mensuels pour les enseignants du secondaire (sur la base du salaire mensuel net moyen des salariés à temps plein de 23 à 60 ans, déclaré dans les enquêtes Emploi 2003-2014, salaires réels en Euros 2015).

En proposant une simulation de salaire (à âge, sexe et diplôme équivalents), il apparaît que, derrière cette moyenne, les écarts de salaires se creusent tout au long de la carrière.

Ainsi, les non-enseignants commencent leur carrière à un niveau salarial proche de celui qu’ils auraient s’ils étaient enseignants. En revanche, en fin de carrière, les non-enseignants toujours en activité gagnent presque 1 000 € nets mensuels de plus que s’ils avaient été enseignants.

De plus, l’analyse montre que les écarts de salaires entre enseignants et non enseignants varient fortement selon le sexe. L’étude met en évidence que les écarts de salaires, élevés pour les hommes, sont au contraire relativement limités pour les femmes : en moyenne, les enseignantes gagnent 93 % de ce qu’elles pourraient gagner autrement sur le marché du travail. Cela s’explique par le fait que le marché du travail est moins attractif pour les femmes, plus souvent victimes de discriminations salariales.

Enfin, lorsque l’analyse distingue les disciplines du diplôme obtenu (sciences d’un côté et humanités d’un autre côté), l’écart entre le salaire d’un non-enseignant et celui qu’il aurait s’il était enseignant apparait de façon différenciée. Ainsi, pour les salariés ayant une formation scientifique, dont une partie est passée par les grandes écoles, être enseignant représenterait une perte salariale importante. Pour les humanités (sciences sociales, droit, art), cette perte est sensiblement plus faible. Cela indique qu’il existe un problème d’attractivité propre aux disciplines scientifiques lié aux perspectives salariales et qu’il se joue précocement, dès les décisions d’entrée dans les études supérieures.

Zoom sur... la rénovation des carrières enseignantes

Un accord de la fonction publique de 2015, décliné au niveau ministériel, prévoit que toutes les carrières enseignantes soient simplifiées, accélérées et revalorisées. Une attention particulière est portée pour l’entrée dans le métier et sur les fins de carrière.

Tous les professeurs avanceront davantage selon le même rythme de progression dans leur carrière. L’avancement à l’ancienneté, au choix, au grand choix est supprimé. Désormais, tous les enseignants auront un accès à la « hors classe », qui constituera, à partir de 2017, le prolongement normal de la classe normale.

De plus, une nouvelle classe exceptionnelle est créée pour les enseignants ayant exercé 8 ans en éducation prioritaire ou occupé des missions et responsabilités particulières (directeurs d’école, conseillers pédagogiques, directeurs délégués aux formations professionnelles et technologiques, formateurs).

Enfin, les enseignants du premier degré ont bénéficié récemment d’une revalorisation de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE).

La France dans la moyenne internationale

Lorsque l’on compare le salaire des enseignants français à celui des autres pays de l’OCDE, la France apparaît sous la moyenne durant la première partie de la carrière (jusqu’à 15 ans) et dans la moyenne en fin de carrière, tant dans le primaire qu’au collège.

Ces positions pourraient être améliorées suite à la rénovation des carrières enseignantes, en l’absence d’évolution dans les autres pays.

Dans le premier degré, plusieurs types de politiques salariales peuvent être distingués.

Des attentes fortes pour un métier à l’image dégradée

En France, le prestige et l’image de la profession semblent particulièrement écornés. En effet, seuls 5 % des enseignants français de collège pensent que leur métier est valorisé, contre 31 % en moyenne dans les pays participant à l’enquête TALIS (2013). La France apparaît ainsi en avant-dernière position (sur 34 pays).

Un manque réel de formation continue des enseignants

Si la formation initiale a retrouvé en partie une place dans le cursus des étudiants-enseignants avec la création des Espé, il reste encore beaucoup à faire en termes de formation continue. En effet, la France est marquée par l’absence de formation continue annuelle obligatoire pour les enseignants, contrairement à d’autres pays européens.

En 2015, la Cour des comptes a dressé un bilan récent global très sévère d’une formation continue peu ambitieuse. Selon la Cour des comptes, les enseignants français bénéficient en moyenne de deux jours et demi de formation continue par an (préparation aux concours internes de la fonction publique inclus). Ils ont trois fois moins de formation continue que les enseignants des autres pays de l’OCDE, nombre d’entre eux imposant un quota minimum de formation obligatoire.

Ce manque de formation continue et de réponse aux attentes des enseignants constitue un enjeu pour l’attractivité du métier et la possibilité d’évoluer tout au long de la carrière.

Des difficultés dans l’entrée dans le métier

Une perspective de mobilité contrainte dans le 2nd degré

Se présenter aux concours du second degré dans l’enseignement public implique une forte probabilité, pour une proportion importante de nouveaux enseignants, d’une affectation de plusieurs années dans une académie ou sur des postes qu’ils n’auront pas choisis ou acceptés par défaut.

Les jeunes enseignants sont donc confrontés à une perspective de mobilité contrainte qu’ils anticipent et intègrent dans la « négociation » du choix.

Un accompagnement ponctuel des nouveaux enseignants

Les programmes d’accompagnement à l’entrée dans le métier d’enseignant sont une composante essentielle de l’attractivité du métier d’enseignant.

En France, l’accompagnement est relativement limité. Les enseignants stagiaires, durant leur année de Master 2, sont accompagnés par des tuteurs, mais c’est rarement le cas pour les néotitulaires.

Un accompagnement numérique est actuellement proposé par l’Institut français de l’éducation (Ifé/ENS de Lyon) via le site internet Neopass@ction, proposant des ressources aux enseignants (cas d’école, articles, vidéos, exemples de situations et de réactions productives ou contre-productives,…).

Dans d'autres pays, des programmes de mentorat

De plus en plus de pays développent des programmes de mentorat. C’est le cas de 13 pays européens (Angleterre, Autriche, Allemagne, Pays-Bas, Norvège, Écosse,…). Certains de ces programmes suivent, pendant deux ou trois ans, les enseignants stagiaires et néotitulaires. Ils peuvent prévoir une décharge de service pour les nouveaux enseignants ainsi que pour leurs tuteurs, et une formation spécifique.

En Écosse, les temps de cours des néotitulaires sont limités à 70 % du temps normal obligatoire ; les 30 % restant étant consacrés à leur développement professionnel (développement des approches pédagogiques, participation à des séminaires…). Les « mentors », pour leur part, voient leur temps de cours hebdomadaire réduit de 3h30, afin de pouvoir aider les néotitulaires dans leur intégration.

Un temps de travail à considérer au-delà des heures en classe

Un temps important consacré à la préparation et aux corrections

Le temps de travail des enseignants est souvent perçu comme se limitant au nombre d’heures passées devant les élèves. Pourtant, les heures d’enseignement ne représentent qu’une partie du travail de l’enseignant.

Selon des enquêtes déclaratives réalisées auprès des enseignants, 57 % du temps de travail d’un professeur des écoles se passe devant élèves, 49% pour un enseignant en collège ou lycée (Insee-DEPP, 2010).

Ainsi, dans le premier degré, sur les 44 heures de travail hebdomadaire déclarées par les professeurs des écoles, 8 h sont consacrées à la préparation de leur journée de classe et 3 h 30 à la correction des travaux des élèves.

Dans le second degré, les enseignants en collège ou lycée estiment consacrer plus de 41h par semaine à leur travail. Ils consacrent plus de temps que les professeurs des écoles à la correction des copies (5h48).

Moins d’heures « hors-enseignement » que dans les autres pays

Si les enseignants français en collège passent autant de temps à enseigner que dans les autres pays (19h/semaine), deux différences apparaissent clairement.

D’un côté, les enseignants français passent plus de temps dans la préparation de leurs cours (+1h) et dans la correction des copies (+1h).

D’un autre côté, ils passent moins de temps dans la réalisation d’autres tâches (administratives, conseil aux élèves, rencontre avec les parents, …). En effet, contrairement à de nombreux pays, la France ne prévoit pas une obligation horaire de présence de l’enseignant dans l’établissement, en dehors de ses heures de cours.

Des possibilités très restreintes de réaliser une « seconde carrière »

Une loi de 2003, suivie d’un décret d’application en 2005, prévoit la possibilité pour les enseignants de bénéficier d’une seconde carrière dans d’autres secteurs de la fonction publique. Pourtant, les secondes carrières peinent à se développer.

Seuls 13 000 enseignants (soit environ 1,5 % des enseignants) sont aujourd’hui détachés sur un autre poste dans la fonction publique (DGRH).

Les enseignants peuvent également passer un concours de personnel de direction, d’inspecteur de l’éducation nationale ou d’inspecteur académique. Cependant, le nombre de postes proposés est très limité, à hauteur de 795 en 2016 (DGRH). Les enseignants peuvent également se destiner aux carrières de conseiller pédagogique ou de formateur en Espé.