Enjeux apprentissage
des premiers nombres et opérations


Rapport scientifique

Pour un élève, les premiers apprentissages ne sont pas aussi simples qu’il y paraît. De nombreux obstacles peuvent venir entraver l’apprentissage des premiers nombres et des quatre opérations élémentaires.

Ainsi, une synthèse de la recherche, réalisée par Michel Fayol pour le Cnesco et l’Ifé-ENS de Lyon, permet d’identifier trois grands enjeux de ces apprentissages : appréhender les nombres avec précision, assimiler le langage et l’écriture des nombres, et passer de la manipulation des objets aux opérations sur les nombres.

 

Appréhender les nombres avec précision

L’élève doit être en capacité de passer d’un traitement intuitif des grandeurs et des quantités, que les enfants possèderaient dès leur plus jeune âge, à un traitement exact des nombres.

L’exemple : passage de « J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de stylos. » à « il y a 10 stylos. »

« L’apprentissage du nombre se construit de façon progressive. »
Henri Lehalle, professeur émérite de l’Université Paul Valéry – Montpellier 3  

L’apprentissage des nombres est favorisé par la diversité des représentations qui sont proposées aux élèves : dessins, schémas, à l’oral, à l’écrit, résultats de petits calculs, etc.

« Il faut que l’élève apprenne à voir le nombre sous toutes ses facettes. »
Xavier Buff, membre du Conseil supérieur des programmes

Assimiler le langage et l’écriture des nombres

Les premiers apprentissages nécessitent la désignation des nombres dans un langage spécifique (à l’oral) et dans un système universel (à l’écrit).

Les élèves se heurtent à des spécificités de la langue française.

L’exemple : l’élève peut se demander pourquoi on dit « onze » et non pas « dix-et-un », comme on dirait « vingt-et-un ».

Le français utilisé en France présente, de plus, des irrégularités que l’on ne retrouve pas dans d’autres pays francophones.

« En Belgique, septante est plus simple que soixante-dix pour travailler la base dix. »
 Marie-Pascale Noël, professeure à l’Université catholique de Louvain

Par ailleurs, pour appréhender les nombres, les élèves doivent également assimiler différentes conventions de langage qui dépendent des cultures.

L’exemple : on dit vingt-cinq en Français mais fünfundzwanzig (littéralement cinq et vingt) en Allemand.

En outre, ces règles opposent des combinaisons de types additif et multiplicatif.

L’exemple : cent-huit, c’est cent et huit, alors que huit cents, c’est huit fois cent.

Ils doivent, enfin et surtout, comprendre qu’on peut écrire les nombres entiers avec dix symboles (les dix chiffres : 0,1,…, 9), que la valeur d’un chiffre dépend de sa position dans l’écriture d’un nombre et le rôle particulier du zéro.

L’exemple : 24, ce n’est pas 2 et 4, mais 20 et 4.

Ces premiers apprentissages sont fondamentaux pour les élèves afin qu’ils accèdent à l’écriture des nombres décimaux (« nombres à virgule »).

Passer de la manipulation des objets aux opérations sur les nombres

Un enfant a une compréhension intuitive des transformations qu’il peut effectuer sur des objets (ajouts, retraits).

L’enjeu est d’abord de le faire manipuler des objets pour accéder à une première exploration des opérations, puis de lui faire découvrir qu’il peut résoudre un problème sans avoir besoin de manipulations concrètes.

L’élève doit ainsi aller au-delà de la manipulation en imaginant les objets, puis mettre en place mentalement l’opération adéquate.

L’exemple : un problème présente 6 billes d’un côté et 9 billes de l’autre, l’élève doit trouver le total.

  • Dans un premier temps, il a des billes et il peut les manipuler.
  • Dans un second temps, il n’a pas de billes, il peut les dessiner pour les visualiser, puis les imaginer pour pouvoir les additionner.

L’usage des opérations deviendra progressivement plus rapide et efficace grâce à l’apprentissage de leurs propriétés (changer l’ordre des nombres par exemple) et rendra possible le traitement de situations difficiles ou impossibles à matérialiser.

L’exemple : un problème demande à un élève, qui dispose de 6 billes, d’en rajouter 98. Il doit comprendre qu’il peut inverser l’opération, en partant des 98 billes et en ajoutant les 6 dont il dispose. Il a donc assimilé que 98 + 6 donne le même résultat que 6 + 98.

« L’ambition est que les élèves apprennent le calcul et l’intelligence du calcul. »
Éric Roditi, professeur à l’Université Paris-Descartes