Les recommandations phares du jury


Des recommandations pour améliorer l’évaluation en classe,

au service de l’apprentissage des élèves

Les recommandations ont été rédigées par le jury de la conférence de consensus « L’évaluation en classe, au service de l’apprentissage des élèves » qui s’est tenue les 23 et 24 novembre 2022. Ce jury était constitué de 19 acteurs de terrain (enseignants, parents d’élèves, personnels de direction, conseillers pédagogiques, inspecteurs, etc.) ; il était présidé par Isabelle Negro, professeure de psychologie du développement à l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (Inspé) de l’université Côte d’Azur.

Ces recommandations s’appuient sur un diagnostic établi par le Cnesco à partir des travaux des experts sollicités pour la conférence et sur des principes généraux présentant les grandes orientations qu’il paraît souhaitable, selon le jury, de donner à l’évaluation en classe. Ces recommandations sont structurées par deux axes : l’enrichissement des pratiques pédagogiques au service de l’apprentissage des élèves et le développement d’une culture commune autour de l’évaluation.


Enrichir les pratiques pédagogiques

Identifier dès la conception d’une séquence les compétences visées qui seront évaluées et les décliner en objectifs et en critères afin de les rendre opérationnelles (que doit savoir et/ou savoir-faire un élève pour atteindre la maîtrise d’une compétence donnée ?).

Intégrer l’évaluation en tant que support de l’apprentissage dans la conception de la séquence, en dépassant la simple programmation d’une évaluation (sommative) à la fin de la séquence.

Définir des critères clairs et limités en nombre à atteindre par tous les élèves, quel que soit leur niveau initial, et s’y référer pour définir si les objectifs fixés ont été atteints ou non.

Écrire les critères, pour que les élèves puissent s’y reporter en cours de réalisation de la tâche.

Prendre en compte les obstacles potentiels liés à une situation évaluative et modifier cette dernière en conséquence pour tous les élèves. Poursuivre cet objectif nécessite : 1/ d’identifier précisément les besoins éducatifs particuliers de certains élèves ; 2/ de recenser les potentiels obstacles qui impactent le niveau d’autonomie de certains élèves dans les différentes activités en classe et dans les évaluations ; 3/ d’adapter l’évaluation pour tous les élèves (nombre d’exercices ou d’items à traiter, lisibilité et organisation des supports d’évaluation, forme de la consigne écrite, oralisation de la consigne ou au contraire consigne écrite pour tous, etc.) de sorte que cette adaptation puisse améliorer les performances des élèves à besoins éducatifs particuliers sans modifier celles des autres élèves.

Ne pas renoncer à des adaptations plus individualisées lorsque c’est nécessaire.

Être attentif à ne porter aucun jugement de valeur sur un élève (même positif, même avec ironie), produire un retour sur les réponses et surtout sur les stratégies mises en œuvre. Cela permet ainsi aux élèves d’entreprendre plus facilement une démarche d’autorégulation de leur apprentissage.

Axer les feedbacks sur les critères préalablement définis et communiqués aux élèves, pour faire ressortir l’écart entre le travail produit et les attendus, et surtout pour expliquer comment réduire cet écart.

Expliciter aux élèves l’intérêt des feedbacks, autrement dit, former les élèves à bien les exploiter.

Offrir aux élèves des occasions de remobiliser rapidement les feedbacks. Les feedbacks seront perçus par les élèves comme d’autant plus utiles s’ils savent qu’ils pourront les réinvestir dans de nouvelles situations évaluatives et constater par eux-mêmes qu’ils progressent dans leur apprentissage.

Impliquer les élèves dans le processus évaluatif, selon différentes modalités : évaluations entre pairs au cours desquelles les élèves évaluent les travaux de leurs camarades ; auto-évaluations de leurs propres travaux ; moments de co-évaluation (lorsqu’élève(s) et enseignant comparent leurs évaluations respectives).

Déléguer aux élèves une partie du processus d’évaluation, sans pour autant leur confier la totalité des tâches (validation de critères, rédaction d’un feedback, etc.), celles-ci pouvant varier d’un élève à l’autre ou selon les moments (évaluation diagnostique de début de séquence, évaluation informelle lors d’une activité en groupe, exercice de fin de séquence afin de s’assurer de l’atteinte de l’objectif de celle-ci).

Former les élèves à l’évaluation, pour que cette démarche s’inscrive pleinement dans une logique d’enseignement-apprentissage. Ce n’est qu’à cette condition que les élèves pourront acquérir le recul nécessaire à la mise en place d’un processus de régulation efficace, et ainsi éviter un simple exercice d’auto-notation, peu porteur de progrès.

Proposer différentes situations de tests aux élèves. Il s’agit de toutes les situations où un élève est conduit à retrouver par lui-même, à mobiliser et à produire, sous différentes formes, les contenus mémorisés. Plusieurs pistes sont possibles pour favoriser régulièrement des temps durant lesquels les élèves peuvent se tester pour mieux mémoriser :

o Intégrer, autant que possible, des temps durant lesquels les élèves doivent rechercher activement en mémoire ce qu’ils ont appris la veille ou quelques jours auparavant.

o Étendre également ces activités de rappel et d’entraînement aux temps hors classe (aide personnalisée, aide aux devoirs, révision d’une leçon à la maison, etc.) avec des tâches autres que la relecture de la leçon.

Accompagner les élèves dans l’élaboration individuelle de ces stratégies d’auto-évaluation.

Éviter les situations qui conduisent les élèves à se comparer les uns aux autres (par exemple, QCM avec résultats individuels affichés).

Développer une culture commune autour de l'évaluation

Instaurer, autant que possible, des allers-retours entre la formation et la pratique en classe, en formation initiale (accompagnement de la mise en pratique en classe lors des périodes de stage), comme en formation continue (formations réparties dans le temps, entrecoupées d’intersessions, qui permettent aux enseignants d’expérimenter en classe les apports de la formation sur l’évaluation).

Accompagner les personnels sur une durée plus longue, de 3 mois à 6 mois après la session de formation proprement dite, afin de consolider les amorces de changement dans les pratiques évaluatives. Cet accompagnement pourrait se dérouler par visioconférence, en centre de formation, mais surtout en classe, au plus près des pratiques évaluatives des enseignants.

Encourager la construction de communautés apprenantes, pour enclencher des dynamiques de changement de pratiques évaluatives collectives (par exemple : partages de pratiques, renforcement des pratiques collaboratives en s’appuyant sur les structures existantes, actions locales de formation, extension de la réflexion à la comparaison internationale, etc.).

Engager une réflexion collective sur l’évaluation, au-delà des pratiques propres à chaque enseignant dans sa classe, dans le cadre des projets d’école ou d’établissement. Il s’agit notamment d’inscrire les axes de l’évaluation à privilégier en fonction des contextes de chaque école et de chaque établissement. Ce travail doit engager une collaboration large entre élèves, parents, enseignants et personnels de direction et d’inspection. Au lycée, les projets d’évaluation permettent d’impulser cette réflexion.

Faire disparaître, à court terme, tout élément de comparaison entre élèves, dans les comptes rendus d’évaluations en classe et dans les bulletins scolaires (moyenne la plus basse et moyenne la plus haute de la classe dans chaque discipline, moyenne de la classe, etc.).

Engager une réflexion, à moyen terme, sur les indicateurs qui pourraient remplacer la moyenne, y compris dans les procédures d’orientation, pour rendre compte de l’évaluation en classe (hors certification). Cela laisserait la possibilité pour les élèves de se tromper sans être pénalisés dans leur progression.

Rendre compte aux parents des processus d’apprentissage de leurs enfants, plutôt que de communiquer seulement des résultats finaux, qui n’informent pas sur le chemin parcouru par un élève et sur les façons de poursuivre son apprentissage. À court terme, cela passe par un accompagnement à la lecture du livret et des bulletins scolaires actuels, de façon à apporter une information qualitative sur les progrès des élèves. À plus long terme, cette communication serait facilitée par de nouveaux supports.

Partager avec les parents des supports complémentaires au livret scolaire unique (LSU) ou aux bulletins scolaires, qui peuvent contribuer à attester des progrès des élèves sur des compétences non disciplinaires (par exemple, donner de la visibilité aux temps forts de la vie de classe et de la vie de l’école/de l’établissement, qui constituent autant de preuves du développement de compétences transversales). Les élèves pourraient être associés à l’élaboration de ces traces de l’activité en classe.

Produire une version révisée du livret scolaire unique (LSU) qui permettrait d’éviter les confusions actuelles entre les attendus des programmes disciplinaires et ceux du socle commun. Ce document unique de référence pour l’évaluation du CP à la 3e assurerait une meilleure correspondance entre objectifs disciplinaires et attendus transversaux du socle.

Généraliser, pour le lycée, la disponibilité de documents d’évaluation et de suivi des compétences et savoirs attendus, à l’image du livret scolaire unique (LSU), permettant une mise en place plus aisée d’évaluations critériées. La place des notes et des moyennes dans ce document ferait l’objet d’une réflexion particulière.

• Engager un travail de rédaction de documents d’harmonisation des contenus, qui spécifient à tous les niveaux de la scolarité les connaissances et les compétences à acquérir, les niveaux de maîtrise attendus et des situations évaluatives précisant les critères qui permettent d’attester de l’acquisition d’un certain niveau de maîtrise.