Panel de pédagogies
Une multiplicité de pédagogies qui peuvent être efficaces
La différenciation pédagogique peut prendre plusieurs formes (enseignement explicite, tutorat, co-enseignement…). L’enseignant peut ainsi adapter son enseignement en fonction des objectifs qu’il souhaite atteindre et des difficultés rencontrées par ses élèves en suivant des méthodes pédagogiques différentes qu’il va modifier à la marge en fonction de ses élèves. La conférence de consensus a permis d’éclairer les résultats scientifiques de certaines approches pédagogiques. Certaines d’entre elles sont présentées ci-dessous mais ne reflètent pas l’exhaustivité du champ.
La recherche a montré que les approches pédagogiques qui contiennent trop d’exigences scolaires implicites sont défavorables aux élèves qui viennent d’un milieu socialement défavorisé. Une partie de la littérature scientifique (essentiellement nord-américaine) montre que les enseignants efficaces adoptent plutôt un enseignement de type « instructionniste », appelé souvent « enseignement explicite » (Note GAUTHIER, 2017).
Cet enseignement explicite est structuré en trois étapes :
- la mise en situation (ex : présenter les objectifs de la leçon ou rappeler les connaissances antérieures) ;
- l’expérience d’apprentissage (ex : présenter les contenus d’apprentissage de façon claire et précise à l’aide d’exemples, vérifier la compréhension des élèves en leur proposant de réaliser des tâches semblables à celles qui ont été montrées ou rétroagir régulièrement en fonction des besoins des élèves) ;
- l’objectivation (ex : identifier formellement et extraire parmi ce qui a été vu, entendu et réalisé dans une situation d’apprentissage, les concepts, les connaissances, les stratégies ou les attitudes qui sont essentiels à retenir).
L’impact de l’enseignement explicite est d’autant plus important que la planification de l’enseignement est réalisée de la façon suivante : de l’apprentissage des compétences scolaires simples aux plus complexes, avec un contrôle du niveau de difficulté des notions à faire apprendre, l’identification des idées maîtresses que l’élève doit acquérir et l’intégration de connaissances déclaratives (ex : connaitre ses tables de multiplication « par cœur »), procédurales (ex : savoir utiliser ses tables de multiplication dans une opération posée par écrit) et conditionnelles (ex : savoir dans quelle situation effectuer une table de multiplication). La vérification des devoirs et des révisions hebdomadaires et mensuelles complète ce type d’enseignement.
La pédagogie coopérative s’appuie sur le tutorat entre élèves : elle consiste à créer au sein de la classe des petits groupes d’élèves de niveaux scolaires différents afin qu’ils puissent s’entraider. Les recherches ont mis en évidence des effets très positifs de cette pédagogie sur les résultats des élèves.
Le tutorat favorise les résultats des élèves en difficulté en complétant, rappelant, revisitant des aspects non maîtrisés d’une notion en cours d’acquisition. L’approche d’un élève tuteur est moins formelle que celle d’un enseignant. Les recherchent montrent également que le tutorat aide significativement les apprentissages de l’élève tuteur. Il valorise les élèves avancés en leur confiant la responsabilité d’aider leurs camarades en difficulté et en leur permettant d’approfondir la compréhension des notions à transmettre. Pour être profitable aux élèves qui sont aidés (les « tutorés »), il est nécessaire que le tuteur fasse à la fois preuve d’un bon niveau d’expertise et s’entende bien avec le tutoré. Les élèves tuteurs doivent aussi bénéficier d’une préparation visant à scénariser le format des échanges (note FORGET, Cnesco, 2017).
L’impact du tutorat est à la fois positif sur le tutoré et le tuteur, qu’il soit exercé au primaire ou dans le secondaire. Le tutorat est aussi particulièrement efficace pour les élèves issus de milieux défavorisés.
La recherche a montré que la constitution de groupes homogènes au sein de la classe ou entre plusieurs classes peut permettre d’améliorer les résultats des élèves en difficulté. Ces groupes permettent tout d’abord de rompre avec les pratiques négatives de classes de niveau. Pour autant, cette organisation de la classe pour être bénéfique doit réunir certaines conditions : ces regroupements doivent poursuivre un objectif d’apprentissage très précis, reposant sur une évaluation préalable et ils doivent être limités dans le temps, en étant exclusivement réservé à l’objectif d’apprentissage défini. Les groupes homogènes peuvent être réunis régulièrement mais sur un temps inférieur à celui en groupe classe hétérogène. Ils doivent disparaître dès qu’ils ne sont plus nécessaires.
La différenciation pédagogique peut aussi consister pour des enseignants à travailler à plusieurs avec les mêmes élèves, selon deux modèles : le co-enseignement ou la co-intervention.
Le co-enseignement consiste à partager, à deux enseignants en général, des objectifs communs d’une séance, dans la même salle de classe et auprès de tous les élèves. Selon la recherche, pour que le co-enseignement soit efficace, sa mise en œuvre doit être régulière. Partager le travail plusieurs fois par semaine est un gage de réussite.
La co-intervention fait référence à un mode de division du travail pour accompagner un ou plusieurs élèves de façon spécifique, dans ou hors de la classe, mais toujours pendant le temps de la classe.
La co-intervention peut être efficace avec des groupes restreints d’élèves, sous conditions de pratiques centrées sur les savoirs, sur les stratégies d’apprentissage. Mais si ce dispositif peut aider certains élèves, il est aussi possible, quand il concerne un ou plusieurs élèves de la classe en difficulté, qu’il les coupe des enseignements prodigués au reste de la classe et donc engendre un enseignement à deux vitesses. La co-intervention nécessite donc une collaboration extrêmement étroite entre les deux enseignants (encore plus que dans le cas du co-enseignement). Enfin, les résultats des élèves doivent être constamment évalués afin de mettre fin le plus tôt possible à la co-intervention pour réduire les risques de stigmatisation.
Le principe de la classe inversée consiste, dans sa forme la plus simple, à demander aux élèves de prendre connaissance en dehors de la classe de notions nouvelles, en utilisant une variété de supports pédagogiques (ex : textes, photos, vidéos), de telle sorte que les séances en classe puissent être consacrées à des exercices, des travaux pratiques avec l’enseignant. Ce dispositif prend aujourd’hui d’autres formes dans lesquelles les élèves n’ont pas à s’approprier seuls des connaissances, mais plutôt à explorer un domaine nouveau, chercher des ressources, préparer une présentation ou une activité, le temps de classe étant ensuite dédié à des débats, des travaux de groupes, des phases d’analyse et de synthèse (note Lebrun, Cnesco, 2017).
L’objectif visé de ce type de dispositif est de libérer du temps de classe en déléguant via le numérique des activités qui semblent accessibles aux élèves en autonomie pour mieux le réserver à celles pour lesquelles l’intervention d’un enseignant apparaît comme essentielle. Son risque est que certains élèves ne soient pas en capacité de s’approprier de nouveaux contenus ou de nouvelles démarches de façon autonome. Si un certain nombre d’expériences rapportent une plus grande disponibilité de l’enseignant et des progrès des élèves, les dispositifs mis en œuvre sont trop récents pour avoir donné lieu à des analyses fondées scientifiquement. De plus, les résultats disponibles ne permettent pas toujours l’accès aux tranches d’âges, niveaux ou disciplines pour lesquels ils seraient efficaces.
Si certaines des pédagogies présentées précédemment peuvent s’avérer bénéfiques aux apprentissages des élèves, la recherche montre également que d’autres formes de différenciation pédagogique peuvent conduire au creusement des inégalités scolaires.
Gestion du climat de classe : une intervention préventive plutôt que corrective
Certains enseignants n’osent pas s’engager dans une approche d’enseignement différencié parce que le climat de la classe ne leur permet pas ou par crainte que le climat de la classe se détériore. La gestion du climat de la classe et donc une condition essentielle à la mise en place d’une pédagogie différenciée mais c’est également cette pédagogie différenciée qui peut aider à créer un climat de classe favorable aux apprentissages .
Dans cette perspective, la recherche montre qu’une explicitation des comportements en classe auprès des élèves favorise un bon climat scolaire. En effet, cette démarche permet de préciser les attentes des enseignants vis-à-vis des élèves, définit des règles de classe, légitime des routines et en assure le maintien. Elle participe fortement à la cohésion du groupe-classe et contribue à maintenir un climat propice aux apprentissages. Elle a notamment pour effet de faire partager à l’ensemble des élèves la responsabilité du climat de classe, ce qui permet aux enseignants de se rendre plus disponibles pour aider individuellement certains élèves ou gérer des travaux de groupes.