Justice sociale à l’école
Une vision datée, sans consensus national
Les pays de l’OCDE marqués par des inégalités sociales à l’école limitées, notamment les pays scandinaves ou certains pays asiatiques, ont réussi leur mutation scolaire grâce à un consensus politique de long terme sur leur approche nationale de la justice à l’école. Des approches plus novatrices, comme celle de l’équité, ont été débattues et irriguent désormais les écoles de ces pays.
La France peine aujourd’hui à avancer dans sa lutte contre les inégalités à l’école du fait de ce manque de consensus sur sa vision de la justice à l’école. Tous les Français sont d’accord pour plus d’égalité à l’école, mais chacun y met des interprétations différentes. Aujourd’hui, la conception de la justice à l’école est, en effet, encore très marquée par le principe historique d’égalité des chances dans une perspective méritocratique : c’est dans le cadre d’une égalité stricte de traitement que doivent s’opérer les sélections.
Si ce principe peut avoir une forme de légitimité au lycée, où les élèves sont distribués dans des voies d’enseignement diversifiées, il irrigue encore trop le fonctionnement de l’enseignement obligatoire. Comme le montre ce rapport, dans les faits, les principes de discrimination positive et d’équité, plus novateurs, affichés politiquement et incarnés dans la politique d’éducation prioritaire ou le socle commun de compétences et de connaissances, peinent à s’imposer.
Il faut donc clarifier, tout d’abord, la nature des deux types de biens éducatifs : les connaissances et compétences communes que doivent détenir tous les élèves à la fin de l’enseignement obligatoire et les diplômes diversifiés correspondant aux différentes positions sociales offertes aux individus dans une société.
Les principes de justice, c’est-à-dire les critères selon lesquels ces biens sont distribués entre les individus doivent aussi être clarifiés pour faire consensus. Si l’introduction de l’égalité des chances peut se comprendre après les paliers d’orientation, en ce qui concerne l’enseignement obligatoire qui doit transmettre un bagage de connaissances et de compétences obligatoires pour s’insérer dignement dans la société, c’est le principe de justice du besoin qui doit s’imposer comme dans le domaine de la santé en France (où les médicaments sont distribués aux individus non pas en fonction de leurs talents mais de leurs besoins médicaux, grâce au système de la sécurité sociale). Au-delà de la scolarité obligatoire, et sur la base d’un socle d’acquis communs à tous les élèves, le principe de méritocratie correspondant à l’égalité des chances peut être davantage introduit.