Préconisations du Cnesco
Réduire les inégalités à l'école : les préconisations du Cnesco
Marquée par des inégalités sociales et migratoires fortes et croissantes, associées à un nombre très important d’élèves en grande difficulté scolaire, le système éducatif français met désormais en péril à la fois la croissance économique future ainsi que sa cohésion nationale et sociale.
Le pays doit en urgence réagir désormais, dans un cadre politique consensuel autour d’orientations politiques réellement efficaces et clairement mises en œuvre. Ces préconisations du Cnesco sont en lien avec les travaux réalisés lors de ses conférences antérieures qui se sont toutes attachées, sur certaines dimensions, à la difficulté scolaire et aux inégalités à l’école sur chacun de leur périmètre (conférences sur le redoublement et traitement de la difficulté scolaire, la mixité, la numération, la lecture, …).
Pour ce faire, le modèle éducatif français doit évoluer profondément sur des dimensions cruciales :
- Une clarification de sa vision de la justice à l’école : un débat trans-partisan doit être organisé pour pouvoir atteindre un consensus sur la vision de la justice à l’école, au moins dans l’enseignement obligatoire. Les concepts d’équité, de discrimination positive, de socle commun au sortir du collège ne pourront pas s’imposer dans la société française sans une clarification des attentes nationales pour ce niveau d’enseignement.
- Sa gouvernance : rompre avec une logique de réformes à répétition, peu mises en œuvre dans les classes et miser sur l’expertise des acteurs de terrain (enseignants, chefs d’établissements, inspecteurs, conseillers pédagogiques…) qui accueillent au quotidien les élèves en leur donnant les moyens d’une action pédagogique efficace (formation continue obligatoire, maîtres spécialisés sédentarisés dans les écoles, outils d’évaluation à dimension nationale mis à leur disposition…).
- Sa transparence : des études et suivis réguliers des ressources allouées à tous les élèves et aux établissements doivent permettre de rendre transparents les phénomènes d’inégalité de traitement, en particulier concernant les phénomènes de ségrégation sociale et d’origine migratoire.
- Sa logique de traitement de la difficulté scolaire : rompre avec une logique de remédiation pour adopter une approche en termes de prévention (de la difficulté scolaire, de la ségrégation…).
- Sa capacité à reconnaitre l’élève mais aussi l’enfant en intégrant les différentes dimensions de sa vie à (et dans) l’école : l’enseignement, mais aussi le climat scolaire, les conditions matérielles de vie des enfants les plus démunis.
Ces préconisations comprennent des actions à introduire dans l’urgence, car les élèves en difficulté scolaire ne peuvent attendre, mais placées dans un cadre d’évolution de long terme, car les apprentissages se construisent sur la durée.
Les préconisations du Cnesco sont présentées ci-après.
Davantage que des réformes à répétition ou des injonctions à rentrer dans des cadres pédagogiques fermés, les enseignants et les personnels d’encadrement intervenant dans les enseignements (chefs d’établissement, inspecteurs…) ont besoin de ressources, dont l’efficacité est évaluée, pour développer une expertise pédagogique et didactique approfondie.
- Introduire le principe de formation continue obligatoire et redéployer les moyens sur ce champ. Des efforts importants doivent être dirigés vers les personnels des premières années de la scolarité obligatoire.
- Intégrer, dans chaque circonscription, des conseillers pédagogiques en mathématiques, spécialement formés en didactique des mathématiques pour servir de référents aux enseignants.
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Développer des expérimentations sur les pratiques pédagogiques efficaces autour des difficultés repérées des élèves au primaire (par exemple, en mathématiques : méthode d’enseignement des tables de multiplication, introduction des nombres décimaux, …).
- Relancer efficacement la maternelle précoce en proposant des conditions d’apprentissage adaptées aux tout petits. Mener des actions spécifiques de communication en direction des familles issues de l’immigration (cours d’alphabétisation dans les écoles maternelles, …).
- Développer l’expérimentation du « professeur des apprentissages fondamentaux » : formé, dans le cadre de la formation continue, en pédagogie et en didactique pour suivre les apprentissages fondamentaux et les difficultés scolaires qui peuvent y être associées, le « professeur des apprentissages fondamentaux » peut suivre un même groupe d’élèves du CP jusqu’au CE2.
- Recruter des professeurs spécialisés dans l’accompagnement des tout petits dès le CP : sédentarisés dans les établissements, formés sur la didactique des disciplines, ils sont outillés de matériaux pédagogiques adaptés, choisis collectivement par l’école, pour des interventions significatives.
Une politique nationale volontariste doit être développée afin de réduire significativement la ségrégation sociale et scolaire dans les contextes les plus ségrégués.
- Renforcer la mixité sociale dans les 100 collèges les plus ségrégués, ce qui permettra à terme une adaptation de l’éducation prioritaire, qui présente des lacunes importantes mais ne doit pas être supprimée à court terme ;
- Développer la prévention contre la ségrégation, avec l’introduction d’un volet mixité sociale lors de la création de chaque nouvel établissement ;
- Remplacer les dispositifs ségrégatifs fermés (3e de préparation à l’enseignement professionnel, par exemple) par des sections ouvertes et temporaires pour les jeunes.
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Renforcer les bases de données des évaluations nationales aux étapes clés de la scolarité, en donnant aux équipes pédagogiques les moyens de repérer les résultats scolaires de leurs élèves face à des objectifs nationaux en termes de connaissances et compétences.
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Redévelopper les évaluations des académies pour un suivi quantitatif et qualitatif des politiques éducatives locales et de l’atteinte des objectifs éducatifs.
Le principe de donner plus à ceux qui ont moins doit aussi être intégré dans les processus d’orientation des élèves.
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Accompagner davantage les familles les plus éloignées de l’école dans la connaissance des formations et des outils d’orientation. Développer un crédit d’heures accordées aux élèves boursiers pour leur orientation (en particulier pour l’utilisation d’Affelnet et Admission Post-Bac).
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Étendre les formations qui proposent un véritable accompagnement aux élèves défavorisés admis en formation sélective au-delà des politiques de quotas sociaux dans les formations sélectives (BTS, …) : mise en confiance individualisée, soutien méthodologique en petits groupes, emploi du temps spécifique, mise en place d’activités transversales.
Les orientations du Cnesco sur l’enseignement professionnel, qui accueille les jeunes les plus fragiles, restent centrales pour davantage de justice à l’école : rénover les diplômes pour développer l’employabilité des jeunes diplômés, décloisonner les différentes voies de formation grâce à un lycée polyvalent rénové, création d’un module d’enseignement des savoir-être en milieu professionnel, promouvoir une pédagogie de mise en situation professionnelle, favoriser la mobilité internationale, …
Parce qu’un système éducatif de qualité ne sera jamais efficace pour des enfants dont les conditions matérielles ne sont pas suffisantes (en termes d’alimentation, habillement…), les fonds sociaux dans les établissements doivent être redéveloppés à un niveau proche de celui du début des années 2000.