France
Inégalités scolaires d'origine territoriale en France : ce qu'il faut retenir
L’analyse du Cnesco révèle que dans des contextes socio-spatiaux et démographiques inégaux, l’Éducation nationale et les collectivités territoriales déploient des ressources (humaines, budgétaires, offres de formation…) qui s’avèrent très variables selon les territoires. Ces inégalités fortes de ressources éducatives se développent aux côtés de disparités importantes dans l’orientation et la réussite scolaire.
Le contexte : une démographie inégalement contraignante et des conditions socio-économiques diversifiées en France
La population des jeunes à scolariser varie dans l’espace et dans le temps. Ces dynamiques démographiques contraignent le système éducatif à s’adapter à la demande de formation initiale.
Tandis qu’une bonne partie des villes des régions du nord et de l’est sont délaissées, les soldes migratoires et naturels positifs renforcent ce que l’on appelle « le croissant attractif » qui va de Rennes à Grenoble, en passant par Nantes, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Aix-Marseille. Métropolisation et désindustrialisation sont en cause, créant ainsi des inégalités économiques et démographiques au sein du territoire.
De son côté, le contexte socioculturel oppose les Outre-mer et la France rurale et désindustrialisée à celle du sud et des grandes métropoles qui possède le taux le plus important de diplômés sur le territoire. L’inégale répartition des non-diplômés chez les plus de 15 ans oppose les académies d’Outre-mer et de la vieille France industrielle rurale et urbaine du nord à celles du sud. Les « métropoles millionnaires » et autres grandes aires urbaines concentrent les plus diplômés, en lien avec l’accumulation de fonctions métropolitaines depuis 30 ans. Ces dimensions socio-économiques et démographiques créent des contextes géographiques très inégaux sur lesquels se développe le système éducatif.
Une offre de formation non homogène sur le territoire et des temps de transports inégaux
La répartition de l’offre de formation résulte des phénomènes démographiques présentés ci-dessus. De ce constat nait une inégalité d’accès au collège et encore davantage au lycée, avec des temps de transports qui peuvent être très longs dans certains territoires peu denses. Les académies de Reims, Dijon, Montpellier, Grenoble, Toulouse, Corse, Guyane et de la Réunion sont marquées par des temps de transports élevés.
Les territoires défavorisés concentrent les taux les plus élevés d’enseignants de moins de 30 ans et de non-titulaires
La part des enseignants de moins de 30 ans et de non-titulaires se retrouve majoritairement dans les académies de Créteil, Versailles, Amiens et de Guyane, là où se situent en partie les plus forts cumuls de risques sociaux d’échec scolaire et de décrochage.
À la rentrée 2016, les 10 % de communes au revenu médian le plus faible ont un taux d’enseignants de moins de 30 ans dans les collèges publics qui est le double de celui des 10 % de communes au revenu médian le plus élevé.
La taille des classes varie très fortement selon les territoires
En 2017, le nombre moyen d’élèves par structure au collège varie de 11,3 à 28,8. Les territoires qui ont les classes les plus chargées dans le secondaire se trouvent davantage dans les territoires qui sont sous influence des grandes métropoles : Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux ou encore Nantes. A contrario, les territoires qui bénéficient d’un nombre faible d’élèves par structure relèvent prioritairement du milieu rural : la Haute-Marne, le Puy-de-Dôme, le Cantal, la Nièvre, l’Aisne ou encore l’ouest de la Picardie.
Les communes isolées hors de l’influence d’un pôle urbain (Cf. zonage en aires urbaines de l’Insee), tout comme les 10 % des communes au revenu médian le plus faible bénéficient d’un taux d’élèves par structure inférieur à celui de la moyenne métropolitaine en 2016 (21,6 et 21,4 vs 23,1 en moyenne).
Les ressources scolaires sont inégalement réparties sur le territoire français : le cas des langues vivantes
L’offre de langues vivantes n’est pas identique sur tout le territoire. En 2015, au collège, l’offre de langues vivantes peut varier de 2 à 7 selon les établissements, alors que la moyenne nationale est de 3,1 langues proposées par collège. Les Yvelines, les Alpes de Haute-Provence, le Bas-Rhin, Paris et le Rhône sont les départements qui ont les établissements qui offrent le plus de langues.
Des écarts de dépenses entre départements plus forts qu’entre régions
L’analyse des dépenses cumulées d’investissement des régions et de départements de 2004 à 2014 met en évidence des écarts entre départements qui sont plus forts qu’entre régions (5 pour 3,5).
Les départements et régions du grand Nord-Ouest, mais aussi ceux de Bourgogne et de Lorraine se démarquent par des dépenses d’investissement en deçà de la moyenne ou autour de celle-ci (moins de 5 200 euros / collégien en Ille-et-Vilaine, moins de 11 600 euros / lycéen en Bretagne). À l’inverse, certains départements ruraux comme la Haute-Marne ou les Landes, mais aussi des départements beaucoup plus urbains comme le Nord, les Hauts-de-Seine ou l’Isère, dépensent plus que la moyenne pour leurs collégiens (plus de 10 000 euros / collégien en Bouches-du-Rhône et plus de 15 000 euros / lycéen en Guyane ou en Midi-Pyrénées).
Des inégalités dans la réussite aux examens
La réussite au DNB est inférieure de la moyenne de 10 points dans les 10 % des communes au revenu médian le plus faible, en 2016 (80,6 %, vs 90,7 % dans les 10 % de communes au revenu médian le plus élevé).
Les plus faibles taux de réussite au DNB s’observent dans des cantons ruraux, dans des cantons urbains où la population est en difficulté économique et sociale, et dans les cantons d’Outre-mer. Les plus faibles taux de réussite au baccalauréat général caractérisent les Outre-mer, et le milieu urbain francilien ou lyonnais paupérisé.
A contrario, le taux de réussite au baccalauréat général est supérieur à la moyenne dans les académies de Rennes, Nantes, Versailles, Grenoble, Strasbourg et Toulouse. Hors Outre-mer, les taux les plus faibles s’observent en milieu urbain francilien ou lyonnais paupérisé.