Préconisations du Cnesco
pour favoriser la mixité à l'école


Des préconisations pour développer la mixité à l'école

Éclairé par le travail collectif de 200 décideurs, par des expériences internationales ayant prouvé leur efficacité et des projets innovants menés en France, le Cnesco présente ses préconisations pour une meilleure mixité à l’école.

 

Mener une action immédiate

Les 100 collèges les plus ségrégués, identifiés par le Cnesco, doivent faire l’objet d’un diagnostic et d’un plan d’urgence pour viser davantage de mixités sociale et scolaire.

  • Ajustements de carte scolaire : diversifier socialement les publics
  • Politique d’attractivité des collèges : offre de formation de qualité (scolaire, parascolaire et périscolaire) et encadrement pédagogique riche
  • Bonus pour les élèves de ces « établissements de la nouvelle mixité » : faciliter l’orientation
  • Dialogue très actif avec les parents

Le Cnesco préconise que tout projet de construction ou de restructuration d’école primaire et de collège intègre un « volet mixités sociale et scolaire » explicite.

Le Cnesco préconise que toute nouvelle construction ou restructuration de lycée donne lieu à un projet de lycée polyvalent mêlant les trois voies d’enseignement générale, technologique et professionnelle, car la séparation entre, d’un côté, les lycées d’enseignement général et technologique et, de l’autre, les lycées professionnels est une source de ségrégation sociale puissante. Ces lycées polyvalents doivent mettre en place des lieux de vie et d’échanges communs : un CDI unique, un foyer des élèves commun, une seule salle des professeurs…

Pour accélérer le développement des lycées polyvalents, des fusions d’établissements situés à proximité physique peuvent également être réalisées. Les filières des établissements sont alors redistribuées pour que chaque site intègre les trois voies d’enseignement.

À chaque territoire (urbain, rural, grandes métropoles…) correspond sa boite à outils de politique de mixité sociale à l’école. Pour mieux en connaître les mécanismes et les effets, des expérimentations de politiques locales de mixité sociale doivent être autorisées et évaluées.

Elles doivent être développées  sur des terrains aux caractéristiques sociales, urbaines et démographiques contrastées :

Dans un contexte urbain, résidentiellement mixte :
>> Expérimentation d’un secteur comportant plusieurs collèges, avec liberté de choix des parents dans le secteur

Dans une grande métropole :
>> Expérimentation de la construction d’une carte scolaire autour d’une ligne de transport (par opposition à la carte scolaire en disque qui renforce la ségrégation résidentielle)

Dans un espace rural :
>> Expérimentation d’un réseau d’établissements intégrés,  complémentaires par leur offre de formation

La France ne dispose d’aucune statistique diffusée régulièrement permettant de surveiller l’ampleur et les évolutions des ségrégations sociale et scolaire dans ses écoles.

Un appareil statistique doit être développé nationalement, embrassant les différents échelons territoriaux pertinents pour le suivi des politiques publiques de mixité dans le primaire et le secondaire.

La mixité à l’école doit être considérée dans son acception large et couvrir les dimensions liées aux catégories  socio-professionnelles, aux résultats scolaires et au pays de naissance des élèves et de leurs parents.

 

Impliquer l'ensemble des acteurs

 

La mixité à l’école va changer la vie dans les établissements. Il est nécessaire de faire évoluer les pratiques d’enseignement, d’encadrement et d’accompagnement des enfants et de leurs familles.

L’acquisition de connaissances et le développement de compétences doit permettre un renforcement de l’interculturalité, du travail en équipe, des pédagogies différenciées et coopératives, de l’accompagnement personnalisé pour s’adapter à des publics scolaires plus diversifiés et à des classes scolairement plus hétérogènes…

Très concrètement, les programmes de formation continue, localisés dans les établissements et axés sur l’apprentissage des territoires d’exercice des professionnels, doivent mettre l’accent sur le contexte social de l’établissement. Ils associent des équipes locales de chercheurs, en lien avec des dispositifs associatifs d’accompagnement à la scolarité.

Pour les représentants académiques, les collectivités territoriales et les responsables de la politique de la Ville, des « formations-actions » réunissant plusieurs administrations doivent être organisées sur leurs propres terrains et prendront pour objet leur projet de mixité commun de façon à les soutenir dans la conception et la mise en œuvre de leur réforme locale. Les premiers cadres formés pourront à leur tour constituer un réseau de formateurs.

Encourager les communautés éducatives à favoriser les mixités sociale et scolaire, au sein des établissements, est aussi important pour que le système scolaire dans son ensemble évolue progressivement. Les élèves présents dans les établissements qui se mobilisent contre la ségrégation, au sein de l’établissement, bénéficient d’un bonus « établissement de la nouvelle  mixité » pour soutenir leur orientation vers les lycées ou les filières de l’enseignement supérieur demandés.

Plus globalement, des politiques de « mixité par le haut », qui visent à ouvrir les établissements les plus favorisés aux élèves qui le sont moins – un processus plus aisé que l’affectation d’élèves favorisés dans des établissements plus ségrégués – peuvent s’intégrer  dans les contrats tripartites. D’une durée de 4 ans, ils associent autorité académique, collectivités territoriales et chacun des établissements et permettent un pilotage fin de solutions locales diversifiées de mixité.

Pour être efficace et juste, une politique de mixité sociale à l’école doit couvrir les deux réseaux d’enseignement, le réseau public et le réseau privé sous contrat.

Sans pour autant participer directement à la carte scolaire, l’enseignement privé sous contrat doit contribuer à cet objectif de mixité à l’école. Une politique budgétaire incitative doit lier ses ressources, dont les moyens d’enseignement, avec les politiques locales de mixité qu’il développe et la composition sociale, scolaire et l’origine nationale des élèves qu’il accueille dans ses établissements.

Au niveau local, l’élaboration de chartes d’engagements réciproques entre les établissements privés et publics, les autorités académiques, les collectivités territoriales et les représentants de parents permet de concevoir et de mettre en œuvre des engagements réciproques en faveur de politiques locales de mixité sociale à l’école dans les deux réseaux d’enseignement.

Comme le montrent certaines expériences de réforme à l’étranger, les parents peuvent, dans certains contextes locaux, s’avérer des acteurs très actifs et efficaces de la construction de la mixité sociale dans l’école de leurs enfants.

Qu’il s’agisse des fédérations représentant traditionnellement les parents ou de collectifs de parents ad hoc, les associations qu’ils constituent doivent être soutenues et accompagnées (mise à disposition d’une « salle des parents » au sein de l’établissement, soutien par une logistique dédiée à la communication…).

Les élèves doivent être mobilisés, et notamment les Conseils des délégués pour la vie lycéenne, autour d’actions d’échanges et de partenariats entre les établissements.

Comme l’ont montré, par exemple, des consultations lycéennes, les jeunes sont sensibles aux questions d’égalité et de solidarité. Ils doivent pouvoir se saisir de la thématique des mixités à l’école. Il faut développer les programmes entre les établissements, en facilitant l’autonomie donnée aux élèves.

Informer, comprendre et analyser

 

Comme le montrent les réformes conduites à l’étranger, aucune politique de mixité sociale à l’école n’a pu s’inscrire dans la durée, sans adhésion des acteurs de terrain, les parents au tout premier rang.

Un vaste programme de sensibilisation aux effets nocifs sociétaux de la ségrégation doit être développé en direction des parents dans les établissements. Réciproquement, il faut également informer sur les bienfaits des politiques menées à l’étranger qui ont su tirer parti de la richesse de la mixité à l’école.

Si à l’étranger la mixité sociale à l’école a suscité de nombreuses recherches, en France, elles sont demeurées peu nombreuses.

Le Cnesco lancera en partenariat avec des laboratoires de recherche et le collectif institutionnel du nouveau réseau sur les mixités à l’école (né de la Conférence de comparaisons internationales), des études qui porteront en priorité sur : la perception et les représentations de la mixité sociale par les professionnels de l’éducation, les élèves et les parents ainsi que sur les pratiques de ségrégation dans les établissements.

Une plateforme numérique d’information doit être créée pour permettre aux professionnels en charge de ces politiques, dans l’Éducation nationale, les collectivités territoriales, les administrations de la politique de la ville, les associations et les parents d’élèves, d’échanger autour des actions éducatives fructueuses favorisant la mixité – y compris les actions conduites dans les temps péri et extrascolaires.