Facteurs déterminants
Quels sont les facteurs déterminants de la qualité de vie perçue des élèves ?
La recherche distingue un certain nombre de variables associées positivement à la satisfaction scolaire et qui figurent fréquemment dans les travaux de recherches (voir figure ci-dessous).
Les facteurs liés aux caractéristiques individuelles des élèves
La perception de la qualité de vie des élèves varie en fonction de l’âge et du sexe
S’agissant de l’âge et du sexe, les recherches sont unanimes sur le fait que les filles sont plus satisfaites de l’école que les garçons, tout comme les élèves les plus jeunes par rapport aux plus âgés. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer la diminution de la satisfaction scolaire avec l’âge : une moindre capacité des établissements scolaires accueillant les élèves plus âgés à répondre à leurs besoins, l’augmentation des exigences scolaires et individuelles (Karatzias, Power, Flemming, Lennan & Swanson, 2002), la diminution de l’attention des élèves (Epstein & McPartland, 1976) et de leur intérêt pour l’école avec l’âge (Eccles, Wigfield, Harold & Bunmenfeld, 1993).
Concernant l’effet sexe, les garçons ont plus de difficultés que les filles à s’adapter aux exigences scolaires (Samdal, Wold & Bronis, 1999). Ces dernières développent généralement une attitude plus positive à l’égard de l’école, du fait de comportements et de compétences verbales plus en adéquation avec la demande scolaire. Le fait que l’impact de la relation enseignant-élèves soit plus fort chez les garçons que chez les filles suggère également que les garçons sont plus susceptibles d’être critiqués par les enseignants, ce qui aurait pour effet de réduire leur niveau de satisfaction scolaire, comparativement aux filles (Liu, Mei, Tian, & Huebner, 2015).
Une moindre qualité de vie scolaire des élèves en situation de précarité
La satisfaction scolaire des enfants issus de familles en situation précaire est souvent moindre que celle des enfants issus de familles en situation plus favorisée (Bennacer, 2008). Les élèves issus de milieux précaires sont souvent moins soutenus au sein de leur famille et de leur communauté, et sont donc plus sensibles au soutien apporté par le personnel scolaire. Ils sont davantage victimes de harcèlement ou de violences psychologiques de la part de leurs pairs et ont plus de difficultés à nouer des amitiés au sein de l’école (étude HBSC, Currie, Zanotti, Morgan, Currie, de Looze, Roberts, Samdal, Smith & Barnekow, 2012 ; Debarbieux, 2011 ; Guyavarch, Le Méner & Vandentorren, 2014 ; Hjern, Rajmil, Bergström, Belin, Gustafsson & Modin, 2013). Dans ce contexte de vulnérabilité, l’école peut jouer pour les enfants en situation de précarité un rôle très important : elle structure les temps sociaux ; elle peut constituer un point d’ancrage et de stabilité pour les enfants et les familles. De même, le soutien des pairs semble très favorable aux élèves défavorisés car il peut compenser un faible accompagnement des familles.
Des élèves en situation de handicap qui sentent moins satisfaits à l'école
Les résultats des études montrent que les parents d’enfants en situation de handicap portent un regard plutôt positif sur la qualité de l’enseignement et le bien-être de leur enfant à l’école (Le Laidier, Depp, 2015). Cependant, les parents d’enfants en situation de handicap sont plus nombreux que les autres parents à estimer que leur enfant est mal à l’aise, voire très mal à l’aise dans son établissement. Du côté des représentations des enfants (Lavigne & Matsuoka, 2014), bien que diverses études montrent généralement que les enfants à besoins spécifiques ne semblent pas présenter une qualité de vie altérée par rapport aux enfants sans handicap, plusieurs recherches soulignent leur plus faible estime de soi. Par ailleurs, ces enfants font davantage l’objet de brimades que les autres. Les travaux montrent également des bénéfices de l’inclusion scolaire sur le développement des apprentissages et de la socialisation, tant chez les enfants en situation de handicap que des enfants au développement typique (Katz & Mirenda, 2002).
De leur côté, les enseignants, tout en étant favorables au principe d’inclusion, redoutent de ne pas disposer de moyens suffisants pour apporter des réponses adaptées aux besoins des enfants, et craignent que l’inclusion impacte négativement les apprentissages des enfants sans handicap (Struggs & Mastropieri, 1996 ; Haladian & Hargrove, 2001, Bachmann & Pulzer-Graf, 2012).
Les facteurs liés à la classe
Le climat d’entraide dans la classe et le soutien de l’enseignant sont des facteurs clés
Des liens positifs sont observés entre la satisfaction scolaire des élèves et la possibilité qui leur est donnée de s’impliquer dans les activités scolaires et de contrôler leur propre environnement. Il en va de même lorsque l’élève a le sentiment d’être respecté et d’être en sécurité (Samdal, Nutbeam, World & Kannas, 1998), qu’il se sent soutenu par son enseignant et ses pairs (Randolph et al., 2010) et que règne dans la classe un climat favorisant l’entraide et le soutien (Baker et al., 2003).
Une satisfaction scolaire qui dépend des activités réalisées en classe
À l’école primaire, la motivation et la satisfaction scolaire des élèves sont renforcées lorsque les activités scolaires offrent un niveau optimal de défi intellectuel et qu’elles génèrent de la part des enseignants des rétroactions informationnelles plutôt qu’évaluatives, la reconnaissance des efforts de maîtrise de la part des élèves plutôt que la simple performance scolaire, et qu’elles limitent la compétition interpersonnelle (Baker, Dilly, Aupperlee & Patil, 2003).
Une satisfaction scolaire renforcée par le soutien des pairs dans la classe
L’école joue un rôle déterminant dans l’adoption par les jeunes de comportements favorables à la santé. Les élèves qui se sentent appartenir à leur école ou qui se trouvent bien dans leur école sont moins susceptibles de se livrer à des activités dangereuses pour la santé. En revanche, les comportements à risque pour la santé sont plus fréquents chez les jeunes pour qui l’école est un lieu menaçant et peu attirant et qui, par ailleurs, sont en situation d’échec, tant du point de vue des résultats scolaires que dans la vie en société (Connop & King, 1999 ; Huurre, Aro, Rahkonen & Komlainen, 2006). Par ailleurs, les jeunes insatisfaits de leur vie à l’école seraient également plus susceptibles de tomber en proie à la toxicomanie, à la prise de risques dans leurs comportements sexuels, à la criminalité et au suicide (Levy-Garboua, Loheac & Fayolle, 2006). Elmore et Huebner, (2010) considèrent toutefois que cette relation n’est probablement pas directe et qu’elle doit faire l’objet d’études spécifiques, pour mieux comprendre « l’enchevêtrement des vulnérabilités psychiques, sociales et culturelles » souligné par les auteurs du rapport « Mission bien-être et santé des jeunes » (Moro, R.M. & Brison, J.L. Mission bien-être et santé des jeunes (MEN, 2016)).
Les facteurs liés à l'établissement
Un effet établissement qui serait limité
Dans une enquête nationale sur le climat scolaire perçu auprès de plusieurs milliers de collégiens français dans laquelle les élèves renseignent des items proches de ceux proposés dans les études sur le bien-être à l’école, Hubert (2015) montre que le climat scolaire varie sensiblement d’un établissement à un autre, mais que l’effet établissement est relativement peu important (de 2 % à 10 % selon les questions posées), comparé à l’impact des variables liées à l’élève.
L’étude de Gutman et Feinstein (2008) réalisée au Royaume-Uni auprès de 200 écoliers âgés de 8 à 10 ans aboutit à des conclusions proches, les différences entre les établissements expliquant à peine le taux de 3 % de variation de la santé mentale ou du comportement des élèves. Selon ces auteurs, ces différences pourraient dépendre de facteurs tels que l’accueil d’enfants désavantagés scolairement et socialement et, plus généralement, de la « philosophie » ou des valeurs humaines promues par l’établissement scolaire.
L’aménagement des espaces a une influence sur les performances et le bien-être des élèves
Trois facteurs de l’aménagement des espaces influencent les performances et le bien-être des élèves : les facteurs liés au confort (la lumière, le bruit, la température…), les facteurs permettant de satisfaire leurs besoins cognitifs (pièces clairement indentifiables, personnalisées, adaptables à la pédagogie des enseignants…) et les facteurs esthétiques : l’harmonie des couleurs, l’agencement des différents éléments en classe…).
Le bruit notamment a des effets négatifs sur la fatigue, le stress, la concentration, et les troubles du comportement des élèves (Clotuche, 2014).
Bien que la question de la pérennité de la salle de classe se pose actuellement avec l’arrivée du numérique, Musset (2017) la définit tout de même comme un « port d’attache » pour les élèves. Pour que les élèves se sentent bien dans une classe (ou un espace de manière générale), il serait nécessaire de leur laisser la possibilité de s’approprier les lieux (Musset, 2017).
Le sentiment d’insécurité des collégiens est plus élevé dans les espaces non surveillés, tels que les abords du collège ou la cour de récréation et les sanitaires, la cour de récréation se révélant particulièrement anxiogène pour les plus jeunes (Hébert & Dugas, 2017).
La question des sanitaires est un enjeu récurrent pour les établissements scolaires. Un tiers des élèves de primaire et de collège déclarent craindre de se rendre aux toilettes de leur établissement (Guimard, Bacro, Ferrière, Florin et Gaudonville, 2016) et les collégiens citent à 46 % cet espace comme étant l’un des moins sécurisants de l’établissement (Herbert et Dugas, 2017). Cette non-fréquentation a des conséquences sur la santé des élèves (douleurs, nausées, infections, etc.), sur l’hygiène – notamment des mains –, et sur l’apprentissage de l’intimité (MEN, 2017).
Ils l'ont fait en France...
Un passage qui reliait les deux cours du collège Travail Langevin à Bagnolet (cour haute et cour basse) était interdit aux élèves car il n’était pas surveillé et était parfois le théâtre de tensions entre l’équipe pédagogique et les élèves. En collaboration avec les élèves, un jardin éphémère a donc été conçu. Le professionnel a aidé les collégiens à fabriquer des bancs et des palettes pour planter des fraises et des salades. Les élèves peuvent désormais passer du temps dans ce lieu calme, propice au repos et aux pauses entre amis.
Des repas équilibrés qui permettent d’accroître les résultats scolaires
La restauration scolaire s’inscrit dans la continuité éducative des temps de l’enfant et participe activement à la santé (ex : lutte contre l’obésité infantile), à la baisse des inégalités sociales, à l’éducation au goût des élèves et au vivre ensemble. En outre, il a été démontré que des repas scolaires équilibrés améliorent la concentration en classe et permettent aux enfants d’obtenir de meilleurs résultats scolaires et d’être moins souvent malades (Storey, Pearce, Ashfield-Watt, Wood, Baines & Nelson, 2011 ; Belot & James, 2011).
En France, les conditions de la restauration scolaire se sont nettement améliorées (aménagement des locaux, diversité des plats…) mais il existe des disparités sociales importantes dans la fréquentation et des conditions d’accès, notamment son coût, variable selon les collectivités territoriales.
La qualité des relations enseignants/élèves contribue fortement au bien-être des élèves
La qualité des interactions enseignants/élèves est liée d’une part à la perception qu’ont les enseignants de leurs élèves (jugés performants, perturbateurs, agressifs…) (Evers, Tomic & Brouwers 2004 ; Pepe & Addimando, 2013 ; Tsouloupas, Carson, Matthews, Grawitch, Barber, 2010). D’autre part, elles sont liées au contexte de l’établissement dans lequel ils travaillent (favorisé, ordinaire, REP) et en particulier au climat scolaire de l’établissement (étude HBSC, Currie, Roberts, Morgan, Smith, Settertobulte, Samdal & Barnekow Rasmussen, 2004). Or, la qualité de vie des enseignants est dépendante de la qualité de leurs interactions avec les élèves, de la discipline ou de l’indiscipline dans la classe et dans l’établissement, et elle est très liée à leur sentiment d’efficacité professionnelle (Sungtaek & Sungmin, 2014).
Il est à noter que c’est en éducation prioritaire et en lycée professionnel que l’inquiétude des enseignants est la plus grande du fait de l’indiscipline et du climat scolaire dégradé par les tensions (Rascle et Bergunat, 2016).
La qualité de vie des élèves est corrélée au soutien par les pairs
À un moindre degré que les interactions avec les enseignants, le soutien par les pairs est également un important facteur prédictif de la satisfaction scolaire des élèves (Kong, 2008 ; Jiang, Huebner & Siddall, 2013 ; Samdal, Wold &Bronis, 1999). En effet, les conflits avec les pairs font baisser le niveau de satisfaction (Ladd, Lockenderfer & Cileman, 1996 ; cités par Hui & Sun, 2010).
Il est à noter que le soutien par les enseignants est plus déterminant à l’école primaire qu’au collège, et que les relations avec les pairs jouent un rôle plus important au collège qu’à l’école primaire (Liu, Mei, Tian & Huebner, 2015).