État des lieux et enjeux des savoirs et des compétences à l'école
Quelles évaluations à grande échelle des nouveaux savoirs et des nouvelles compétences des jeunes ?
À retenir
Magda Tomasini, directrice de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp), présente la manière dont la Depp évalue à grande échelle les nouveaux savoirs et les nouvelles compétences des jeunes :
- Les évaluations de la Depp ont pris une forme numérique au cours des années 2010. Cette transformation offre de nouvelles perspectives : par exemple, il est possible d’exploiter les « traces » des élèves et de suivre le raisonnement qui les a conduits à un bon ou à un mauvais résultat, ou encore de prendre en compte plus facilement les temps de réponse.
- Les changements de la société ne touchent pas seulement la forme des évaluations, mais aussi leurs objectifs : de « nouveaux » savoirs sont désormais évalués comme l’esprit critique, le bien-être, la créativité, les compétences civiques, etc. La Depp a, par exemple, participé à l’évaluation de la « pensée créative » telle qu’elle est définie dans le cadre de Pisa 2022 ou encore à l’évaluation de l’éducation civique et de la citoyenneté, dans le cadre de l’enquête internationale International civic and citizenship education study – ICCS 2022.
- La Depp conduit aussi des enquêtes cherchant à évaluer les compétences des adultes (âgés de 16 à 65 ans), avec la Dares et l’Insee : l’objectif est d’observer les facteurs différenciateurs de la construction ou de l’atténuation des compétences au fil de la vie personnelle et professionnelle des individus. En se limitant aux plus jeunes, ces enquêtes donnent aussi une image des performances du système éducatif.
Quelle évolution des savoirs et des compétences nécessaires aux défis des jeunes au regard des objectifs de l’Unesco en matière d’éducation ?
À retenir
Anna Cristina d’Addio présente quelques grands résultats du rapport mondial de suivi sur l’éducation (GEM Report) de l’Unesco, au regard de l’Objectif de développement durable 4 (ODD4) et sa déclinaison 4.7 (faire en sorte que tous les élèves acquièrent les connaissances et compétences nécessaires pour promouvoir le développement durable) :
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Faire du lien entre les différentes matières et encourager des pédagogies actives : les différents rapports du suivi de l’éducation mondiale mettent en évidence, d’une part, l’importance de créer des liens entre les matières, souvent cloisonnées et centrées sur les compétences cognitives, et d’autre part, la nécessité de promouvoir des pédagogies actives et expérientielles, telles que l’apprentissage par projet.
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L’importance de l’éducation dans la sensibilisation au changement climatique : l’analyse des données du sondage mondial Gallup de 2007-2008 a révélé que le niveau d’éducation est un indicateur clé de la sensibilisation au changement climatique. Cependant, le contenu de l’éducation est tout aussi important que le niveau d’éducation. Mais une meilleure connaissance ne suffit pas à faire changer les comportements : le décalage entre les attitudes, les connaissances et les actions suggère que les connaissances et les compétences scientifiques ne peuvent pas à elles seules activer une action environnementale chez les élèves. Les émotions peuvent jouer un rôle important dans les attitudes envers le changement climatique. L’éducation informelle et les actions des jeunes en dehors de l’école ont aussi de l’influence.
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L’importance de l’éducation dans la sensibilisation à l’utilisation du numérique : les outils numériques sont omniprésents dans la vie des jeunes, qui les utilisent pour se former de manière autonome. Le rapport mondial de suivi sur l’éducation 2023 souligne que l’exposition à des outils numériques peut avoir des effets positifs, comme de meilleurs résultats scolaires (lorsqu’ils sont utilisés modérément) ou encore l’exploration d’idées créatives, mais elle comporte des risques : sécurité des données personnelles, effets sur la santé mentale et physique, etc.
Comment l’évolution des finalités de l’école questionne-t-elle la forme scolaire ?
À retenir
Isabelle Harlé invite à réfléchir sur la forme scolaire dite traditionnelle de l’école et sur son évolution vers une forme curriculaire :
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L’ouverture de l’école à son environnement menace la forme scolaire traditionnelle : l’école est de plus en plus sollicitée par des demandes qui bouleversent le modèle disciplinaire traditionnel. Un nouveau modèle scolaire se développe à travers les « éducations à… », avec l’objectif d’informer les élèves, mais surtout de les former, pour leur faire acquérir des compétences dont ils pourront se servir dans la vie quotidienne. Il n’est pas question de juxtaposer des disciplines, mais de solliciter la continuité des enseignements.
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Une résistance de la forme scolaire traditionnelle : le système éducatif français reste fortement structuré autour des disciplines. Les dispositifs qui tendent vers une approche curriculaire sont peu pérennes ou laissés à l’appréciation des établissements. Par ailleurs, la recherche montre certaines réticences des enseignants des disciplines qualifiées à « haut statut » à participer à ces dispositifs, qui n’ont rien à y gagner en termes de statut professionnel.
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Les limites d’une approche curriculaire :
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S’ils peuvent permettre une inflexion mesurée des temps et des rythmes scolaires, des lieux, des pratiques pédagogiques, des contenus, ces dispositifs peuvent renforcer la prégnance de la forme scolaire, précisément parce qu’ils peuvent fonctionner comme des alternatives récréatives.
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Les dispositifs curriculaires ont été pensés comme permettant de redonner du sens au contenu. Ils ont été mis en place en réaction à des savoirs disciplinaires, cloisonnés, qui ne ferait plus sens pour les élèves. Pour autant, ne risquent-ils pas de mettre en difficulté les élèves, en particulier ceux moins proches de l’école, qui n’identifient plus les contenus, des savoirs, précisément parce qu’ils échappent au cadre structurant des disciplines ?