Thème 1 - Comment les enfants et les adolescents font-ils du lien entre les savoirs qu'ils développent dans les différentes sphères de leur vie ?

Comment penser la circulation des savoirs entre les sphères familiale, de loisirs et scolaire pour les adolescents ?

Agnès Grimault-Leprince, université de Bretagne Occidentale (UBO)

À retenir

Agnès Grimault-Leprince propose une revue de la littérature concernant la circulation des savoirs entre les sphères familiales, de loisirs et scolaire pour les adolescents :

  • La question de ce qu’apprennent les jeunes dans leurs temps de loisirs se pose depuis longtemps, mais son actualité est accrue (plus grande autonomie des adolescents = plus d’opportunités d’apprentissage ; généralisation de l’accès à Internet = accès direct aux savoirs ; évolution de la culture scolaire « classique », au profit d’une culture scientifique et technique, des langues vivantes ou de compétences nouvelles). Cette question est souvent associée à des représentations négatives, comme l’idée d’un appauvrissement culturel des adolescents, d’un éloignement de ces derniers de la culture légitime ou dite « cultivée », qui serait en lien avec une crise des transmissions culturelles familiale et scolaire, et surtout en raison d’une influence délétère des médias.

  • Les savoirs qui se construisent hors du cadre scolaire peuvent répondre aux attentes scolaires : par exemple, dans le sport (rapport au temps, à l’espace, intégration de normes sociales et acceptation de l’autorité, respect et gestion de son corps, disposition à la compétition) ou encore dans les usages numériques (usages documentaires, activités de création, développement de modalités d’apprentissage collaboratif). Toutefois, les démarches des jeunes hors de l’école sont de qualité très diverse, tout comme les contenus auxquels ils accèdent, et par ailleurs, la valorisation scolaire est loin d’être assurée.

  • L’école s’ouvre aux cultures juvéniles : cette ouverture s’illustre par l’entrée en classe de cultures juvéniles, comme l’entrée de la littérature de « mauvais genre » (comme la bande dessinée), les musiques actuelles, les pratiques de lecture et d’écriture en ligne, les jeux vidéo, etc. Toutefois, appuyer les savoirs sur les pratiques juvéniles risque de mettre au premier plan la distraction et l’épanouissement personnel, au détriment des enjeux cognitifs de l’éducation. La recherche conseille de valoriser scolairement les pratiques culturelles juvéniles des adolescents en insistant sur la question du processus d’autonomisation. Ce processus est nécessaire pour transformer des expériences et des informations en savoirs scolairement valorisables et valorisés. Cet accompagnement des adolescents dans leur démarche de construction du savoir constitue un enjeu.


Comment articuler les apprentissages scolaires avec les expériences que vivent les enfants dans et hors la classe ?

À retenir

Julien Netter présente une recherche qu’il a menée dans les écoles primaires parisiennes pour illustrer l’articulation possible entre les apprentissages scolaires et les expériences des enfants dans et hors la classe :

  • L’école contemporaine est une école mosaïque : depuis les années 1960, l’école s’est enrichie d’un grand nombre d’activités menées par les enseignants, mais également par des animateurs municipaux et des intervenants associatifs ou des institutions culturelles, qui rompent avec la classe traditionnelle. Les statistiques municipales et académiques et les observations de terrain révèlent qu’en moyenne, la moitié du temps passé à l’école par un enfant parisien est passé avec son enseignant, tout le reste est un agglomérat de petits moments passés avec d’autres personnes ; en moyenne chaque enfant scolarisé à Paris passe une semaine avec 8 interlocuteurs.

  • Les apprentissages des élèves passent par une coordination des personnes qui les encadrent. Or, et malgré de nombreux textes institutionnels qui invitent à cette coordination, elle ne réussit pas à se mettre en place : les encadrants n’interviennent pas en même temps, ils ont des temps de travail qui ne correspondent pas et n’ont pas le temps d’échanger, ils ont des façons de voir l’éducation différentes, ils n’attribuent pas à l’école les mêmes rôles. Dès lors que les personnes qui les encadrent n’articulent pas les différents temps d’école, les élèves se trouvent investis de cette responsabilité. Ces situations contribuent à la construction d’inégalités scolaires.

  • Certains enfants, parce qu’ils y sont habitués au sein de leur famille, « scolarisent » le monde dès le plus jeune âge en saisissant des opportunités d’apprentissage derrière de nombreuses situations de la vie quotidienne. D’autres au contraire, n’y pensent pas parce qu’ils n’y sont pas entraînés. Les élèves qui scolarisent le monde s’appuient sur deux dispositions non enseignées à l’école : 1/ la synthèse, qui consiste à trouver un point commun à différentes activités, un objet d’étude ; 2/ la traduction, qui permet de passer d’une logique (thématique, ludique) à une autre (disciplinaire, scolaire). Ces dispositions sont plus souvent mobilisées par les élèves issus de familles favorisées.