Les recommandations phares du jury


Les recommandations ont été rédigées par le jury de la conférence de consensus « Nouveaux savoirs et nouvelles compétences : quelle construction dans et hors de l’école ? » qui s’est tenue les 5 et 6 novembre 2024. Ce jury était constitué de 20 acteurs de terrain (enseignants, parents d’élèves, personnels de direction, conseillers pédagogiques, inspecteurs, formateurs, psychologue de l’éducation nationale, élèves) ; il était présidé par Olivier Maulini, professeur ordinaire de l’université de Genève.

Ces recommandations s’appuient sur un diagnostic établi par le Cnesco à partir des travaux des experts sollicités pour la conférence et sur des principes généraux présentant les grandes orientations qu’il paraît souhaitable, selon le jury, de donner pour une meilleure circulation des nouveaux savoirs et des nouvelles compétences entre l’École et son environnement. Ces recommandations sont structurées par 5 axes : (1) la confrontation entre les savoirs de l’école et les évolutions du monde, (2) les ponts entre le travail scolaire et les pratiques culturelles hors de l’institution, (3) le renouvellement des partenariats éducatifs, (4) l’orientation progressive des élèves, (5) l’accompagnement et la formation des professionnels.


Confronter les savoirs scolaires aux évolutions du monde, et réciproquement

  • Proposer au niveau national des grilles de lecture disciplinaires variées pour traiter un même thème (ex. : l’énergie dans les sciences, l’économie, l’histoire et la géographie).
  • Inclure dans les documents d’accompagnement des programmes des exemples concrets de scénarios pédagogiques.
  • Prévoir et financer dans les collèges et les lycées des temps de concertation dédiés pour les enseignants afin de concevoir et de coordonner les projets interdisciplinaires.
  • Mettre en œuvre des projets collaboratifs abordant des enjeux contemporains : par exemple, concevoir une campagne de sensibilisation mêlant français, éducation aux médias et à l’information (EMI) et sciences pour explorer les conséquences sociales des algorithmes.
  • Organiser des ateliers réflexifs intégrés dans les projets pédagogiques pour analyser les usages des élèves et leur impact sur la société : gestion des données personnelles ; réduction de l’empreinte écologique des outils numériques ; compréhension des biais algorithmiques.
  • Intégrer une dimension dédiée aux compétences numériques dans un document de type portfolio, pour permettre aux élèves de documenter leur mobilisation dans des projets scolaires et extra-scolaires.
  • Concevoir des guides simplifiés à mettre à disposition des enseignants pour les aider à identifier, contextualiser et évaluer les compétences numériques des élèves dans leurs pratiques quotidiennes, en complément du cadre de référence des compétences numériques (CRCN).
  • Réviser le socle commun de connaissances, de compétences et de culture pour mieux expliciter les capacités transversales et en étendre la portée. Cela renforcerait la cohérence des apprentissages, tout en permettant aux enseignants d’avoir des repères pédagogiques pour les intégrer dans leurs pratiques et accompagner les élèves dans une progression harmonieuse, de l’école au baccalauréat.

  • Intégrer explicitement dans l’enseignement les capacités transversales nécessaires à la réussite scolaire et citoyenne, en lien avec les savoirs disciplinaires. L’intégration de ces capacités dans les pratiques pédagogiques permettrait non seulement de mieux préparer les élèves à leur avenir, mais aussi de valoriser et discuter les contributions spécifiques issues de leurs expériences extrascolaires personnelles et familiales.

Créer des ponts entre le travail scolaire et les (nouvelles) pratiques culturelles hors de l’École

  • Aménager les emplois du temps des élèves afin de consacrer une demi-journée par semaine à des activités sportives, culturelles ou citoyennes.

  • Généraliser des espaces d’atelier (makerspace, fablab…) dans les établissements scolaires. Installer ces espaces créatifs où les élèves peuvent développer des projets en utilisant des outils scientifiques, numériques ou artisanaux favorise l’intégration des savoirs académiques et le lien avec les savoirs non formels dans des réalisations tangibles et renforçant l’autonomie des élèves.
  • Co-construire une régulation tout au long des projets. En intégrant des sessions régulières de rétroaction entre élèves et enseignants tout au long des projets, les enseignants amènent les élèves à participer à l’évaluation des résultats et à la mise en perspective des acquis théoriques.
  • Créer un « marché des connaissances » où les élèves partagent leurs apprentissages via des ateliers interactifs, expositions ou conférences ouvertes à la communauté. Ce dispositif tendrait à rendre les savoirs concrets, à développer des compétences clés (communication, collaboration, gestion de projet) et à ancrer l’École dans son territoire en renforçant les liens sociaux.

  • Créer des plateformes participatives pour promouvoir l’engagement démocratique des élèves en leur offrant un espace pour proposer des idées, en débattre et voter des solutions à des problématiques locales.

  • Développer l’esprit critique des élèves en les incitant à analyser ainsi des enjeux sociaux, environnementaux et économiques, à défendre leurs idées de manière argumentée, à respecter les opinions divergentes, à travailler ensemble et à développer des compétences de résolution de problèmes.
  • Organiser des jeux de rôles ou des simulations immersives grâce aux outils numériques et à l’intelligence artificielle (IA), pour mettre les élèves en situation concrète et engageante, et leur permettre de développer une pensée complexe.
  • Déployer des ateliers inter-âges où des élèves travaillent sur des projets communs, comme la rédaction d’un journal sur ordinateur ou des ateliers d’apprentissage du numérique.

  • Développer une IA éducative pour guider les élèves dans la recherche de sources fiables, l’identification des biais et la détection des fausses informations. Cette IA soutiendrait le développement de l’esprit critique en enseignant aux élèves à vérifier les faits, croiser les informations et comprendre l’impact des biais dans la construction du savoir.
  • Organiser des hackings[1] éthiques pour rendre le fonctionnement d’internet et des réseaux sociaux plus compréhensible aux élèves. En intégrant cette technologie dans l’enseignement, l’École aiderait les élèves à devenir des citoyens avertis, capables de prendre des décisions éclairées dans un monde numérique complexe.
  • Utiliser les « hackathons[2] citoyens » scolaires pour produire des textes argumentatifs ou créatifs et identifier les limites des propositions. Ces hackathons encouragent une approche collaborative et interdisciplinaire, combinant compétences technologiques, réflexion éthique et analyse des besoins sociaux.
  • Demander aux élèves de concevoir, en collaboration avec des experts, des solutions numériques pour résoudre des défis sociétaux. Par exemple, la création d’une application de signalement d’incivilités pourrait encourager les jeunes à aborder des problèmes sociaux concrets tout en développant leur esprit critique.

[1] Un hacking éthique est un piratage informatique sans malveillance, destiné, non à nuire à la cible visée, mais au contraire à la mettre en garde contre les risques auxquels elle est exposée.

[2] Évènement au cours duquel des spécialistes se réunissent durant plusieurs jours autour d’un projet collaboratif de programmation informatique ou de création numérique. (Dictionnaire Le Robert)

Renouveler les partenariats éducatifs pour gagner en cohérence et continuité

  • Mettre plus résolument en place des conventions et partenariats officiels pour faciliter ces collaborations et offrir un cadre de suivi. Les formaliser au-delà des quartiers urbains prioritaires (QPV) et des territoires ruraux spontanément volontaires. S’appuyer sur le dispositif « accueil 8h-18h » dans les collèges d’éducation prioritaire et formaliser un « contrat péri éducatif ».

  • Faire connaître davantage les groupes d’appui départementaux (GAD) et régionaux (GAR) pour encourager les acteurs territoriaux à les mobiliser afin d’être accompagnés dans la formalisation d’un projet éducatif de territoire (PEdT) et du « plan mercredi » qui en découle.
  • Pérenniser et renforcer les dispositifs d’aide à l’accès aux activités de loisirs, culturelles et sportives (aides des caisses d’allocations familiales (CAF), pass Culture, pass Sport). Encourager leur mobilisation par les usagers dans les écoles et établissements.
  • Faciliter la promotion des activités de loisirs, culturelles et sportives de proximité dans les espaces scolaires.

Former les élèves à comprendre les attentes scolaires et celles du monde professionnel et social

  • Considérer plus résolument la découverte des métiers comme une mission de l’enseignement public.

  • Fédérer les ressources humaines et augmenter le nombre de postes de psychologues spécialisés en éducation-développement-orientation pour accompagner efficacement les élèves dans leur parcours.

  • Développer des projets incitant les élèves à confronter leurs manières de travailler et à juger le travail collectivement réalisé pour former des citoyens éclairés.

  • Organiser des ateliers périodiques dédiés à la visibilisation et la prise de conscience de des capacités transversales, comme la communication, la gestion des conflits, la coopération et l’écoute active, et de ce qu’elles supposent d’acceptation mais aussi d’interrogation des normes de travail en vigueur dans l’École.
  • Associer l’ensemble des personnels scolaires à cette démarche, en particulier dans le cadre des enseignements disciplinaires, les familles et les acteurs des temps périscolaire et extrascolaire.

Accompagner et former les professionnels à la prise en compte active et critique des évolutions culturelles

  • Évaluer précisément les besoins de formation des enseignants en fonction des évolutions sociétales et des réalités du terrain par une étude nationale, et adapter les formations.

  • Créer des groupes de travail réunissant enseignants et chercheurs pour co-construire des contenus pédagogiques adaptés aux attentes actuelles.
  • Préparer les enseignants à une éducation inclusive[1] et aux enjeux du développement durable et de la citoyenneté. Intégrer leurs retours d’expérience, via des séminaires participatifs et avec un appui sur les associations professionnelles, est essentiel pour une amélioration continue.
  • Développer et soutenir des recherches-actions via des projets qui articulent les transformations sociales avec les réalités pédagogiques, en intégrant les enseignants comme acteurs centraux de cette réflexion.
  • Mettre en place des observatoires de pratiques éducatives, pour suivre l’évolution des besoins et des pratiques en lien avec les attentes sociétales. Cela permettrait d’adapter progressivement et légitimement la formation des enseignants tout en assurant à l’École une maîtrise durable des enjeux qui la concernent, au-delà des clivages et alternances politiques.
  • Instaurer des partenariats avec des laboratoires de recherche pour analyser les impacts des évolutions sociétales sur les pratiques éducatives.

[1] La charte de programmes rappelle que « les savoirs enseignés à l’école doivent relever du caractère inclusif de l’école et bénéficier à la totalité des élèves ; ces savoirs ne sauraient être définis d’une façon telle que leur enseignement nécessiterait en permanence pour tel ou tel élève des aides ou compensations extérieures à la classe ».

  • Recenser des besoins en compétences numériques pour mettre à jour les référentiels de compétences des enseignants afin d’aligner les activités scolaires avec les besoins réels des élèves et les évolutions technologiques. Intégrer ces compétences dans les disciplines enseignées.
  • Développer une formation continue au numérique pour les enseignants, avec des modules adaptés à leurs besoins, liés aux pratiques pédagogiques, et des parcours progressifs soutenus par des ressources accessibles et actualisées.
  • Former les enseignants, toutes disciplines confondues, à des approches permettant aux élèves de réfléchir sur leur usage des outils numériques, leurs biais cognitifs et leur rapport à l’information. Cette formation inclura des modules sur le fonctionnement des algorithmes et leur rôle dans la désinformation.
  • Intégrer des technologies émergentes dans la formation des enseignants afin qu’ils puissent accompagner les élèves, avec des exemples concrets à expérimenter dans les cours.
  • S’assurer que les formations numériques comprennent une composante présentielle pour offrir un soutien direct et renforcer la motivation des enseignants.
  • Proposer des ressources éprouvées pour simplifier l’intégration des technologies numériques dans les classes.
  • Renforcer la professionnalisation des acteurs éducatifs par une formation adaptée et continue, soucieuse de la prise en charge globale et cohérente des apprentissages des élèves.

  • Développer des parcours de formation qui favorisent la connaissance mutuelle des rôles et missions des différents professionnels, tout en mettant l’accent sur les compétences en travail collaboratif, en gestion des dynamiques collectives et en accompagnement des jeunes dans leurs divers environnements.
  • Professionnaliser les assistants d’éducation en élaborant des parcours de formation et de carrière pour conforter leur place dans la communauté éducative et leurs contributions.
  • Professionnaliser les équipes d’animation : informer et former les intervenants périscolaires sur le fonctionnement de l’École et favoriser les échanges entre les différents professionnels.