Pratiques efficaces


Apprentissage et pratiques efficaces en langues : ce que nous dit la recherche

Le rapport « Les langues à l’école dès le plus jeune âge » (Gaonac’h & Macaire, Cnesco, 2019), rédigé par les présidents de la conférence de consensus pour le Cnesco, ainsi que les notes des experts de la conférence font ressortir un ensemble d’éléments favorables à l’apprentissage et à l’enseignement précoces des langues vivantes étrangères.

L’importance de la durée de l’apprentissage des langues

Selon la recherche, plus que l’âge de début d’apprentissage, c’est la durée totale d’apprentissage, et surtout la quantité et la fréquence d’exposition aux langues, à travers des contacts de différentes natures, qui jouent le plus sur la réussite des élèves (Gaonac’h & Macaire, Cnesco, 2019). Pour autant, certains éléments profitent d’un travail spécifique dès le primaire afin de faciliter les apprentissages futurs : travailler sur l’écoute de l’oral et les sons (notamment en anglais), et découvrir de nombreuses langues et leurs points communs.

Favoriser un rapport positif aux langues et à leur apprentissage

Apprendre une nouvelle langue met l’élève en insécurité

Les élèves qui apprennent une langue vivante étrangère dans le cadre scolaire disposent déjà d’un moyen de communiquer, à travers leur première langue. L’incitation à adopter une nouvelle façon de parler, de nouveaux sons et de nouveaux concepts, peut alors être vécue comme une mise en péril de l’identité construite dans le cadre familial (Pavlenko, 2009). Or, le vécu émotionnel en langues est central dans l’apprentissage, tant pour la création de sens que pour la mémorisation (Eschenauer, Cnesco, 2019). L’anxiété des apprentissages est moindre chez les tout jeunes élèves (Voise, Cnesco, 2019), qui sont donc moins résistants à cette nouveauté.

Débuter dès la maternelle une approche multipliant les langues

Certaines approches de l’enseignement des langues peuvent favoriser un rapport positif à l’apprentissage des langues lorsqu’elles sont mises en place en maternelle ou à l’école élémentaire.

Ces approches consistent à mener des activités d’enseignement qui impliquent plusieurs langues et cultures (dont des langues que l’école n’a pas l’intention d’enseigner) plutôt que de se focaliser sur l’enseignement d’une langue en particulier. Des études menées avec un groupe témoin montrent que ces approches favorisent la tolérance à la diversité linguistique et l’envie d’apprendre les langues. La fréquentation de plusieurs langues stimule également une appétence pour la nouveauté, mais surtout la capacité à découvrir des règles, à anticiper et à naviguer entre le connu et l’inconnu (Macaire et Reissner, Cnesco, 2019), flexibilité mentale qui est importante dans l’apprentissage d’une langue (Eschenauer, Cnesco, 2019).

Cette approche prend également en compte les aspects culturels attachés aux langues, afin de valoriser la découverte de l’autre et la sensibilité à la différence. Ces aspects culturels ne sont pas détachés de la langue : les deux peuvent être travaillés ensemble, ou même liés par exemple lors d’un travail sur les onomatopées (perception culturelle différente d’un même son). Ce travail est particulièrement efficace au début du primaire pour développer la flexibilité et le rapport à l’altérité des élèves (Putsche, Cnesco, 2019). Il prépare les élèves à une démarche de réflexion comparative.

Par exemple…

 Faire venir les parents parlant une autre langue que le français dans la classe pour raconter une histoire en langue étrangère.

 Travailler sur la façon de se saluer (mots et gestes pour dire « bonjour ») dans les différentes langues.

Découvrir de nombreuses langues pour asseoir les apprentissages futurs

Les recherches montrent que l’utilisation de deux langues ou davantage ne constitue en rien un handicap, ni linguistique, ni cognitif (Bijeljac-Babić, 2017). Au niveau de l’enseignement, il est possible de s’appuyer sur la connaissance de différentes langues afin de favoriser l’apprentissage d’une autre.

Les approches comparatives permettent de prendre conscience des caractéristiques des langues et ont des effets démontrés sur les apprentissages (Candelier, 2003, Cernoz, 2013). Ainsi, l’enseignant peut s’appuyer sur le plurilinguisme déjà présent chez les élèves d’une classe (Garcia, 2015 ; Macaire, 2001) afin de comparer les langues, d’en découvrir les similitudes ou les différences et ainsi de pouvoir réaliser des transferts entre langues (de vocabulaire proche, notamment, mais aussi de structures grammaticales communes). Ces approches ont également des effets sur l’intérêt pour les langues en mettant en évidence que l’apprentissage d’une langue donne accès à la compréhension de plusieurs autres langues (notamment de la même famille).

Travailler sur la compréhension de l'oral

Dans la langue utilisée à la maison, la compréhension de l’oral est aisée car automatisée. Il est possible de comprendre (comme de produire) environ 300 mots par minute sans effort particulier. En langue vivante étrangère, les processus ne sont pas autant automatisés. Certains obstacles se posent alors aux élèves dans leur compréhension de l’oral, et entrainer les processus qui correspondent à ces obstacles permet aux élèves de libérer de l’attention pour la compréhension proprement dite (Roussel, Cnesco, 2019). Les recherches montrent que cet entrainement est particulièrement important pour les apprenants débutants ou de niveau moins avancé, et peut progressivement être remplacé par un entrainement de processus de compréhension plus globaux (anticipation à partir du titre du document, par exemple).

Entendre les sons pour comprendre les mots

Des difficultés notamment en anglais

La recherche a démontré qu’un apprenant de langue étrangère perçoit et produit les sons de cette nouvelle langue en fonction des sons existants dans sa langue (Flege, 1988 et 1995 ; Escudero, 2007). Si les sons totalement nouveaux peuvent être appris avec un entrainement régulier, les sons proches de la langue de la maison mais différents sont automatiquement perçus et produits pour être assimilés au registre de sons connus.

Dans une étude menée en 2003, des étudiants francophones n’ont pas reconnu à l’oral près d’un quart des mots d’anglais fréquents qu’ils reconnaissaient à l’écrit (Hilton, 2003), ce qui explique, sans doute, une partie de leurs difficultés en compréhension de l’oral (Hilton, 2005). Ils ne perçoivent pas, par exemple, la différence entre « hit » et « eat » (« frapper » et « manger »). L’anglais est particulièrement propice à ce genre de difficultés car il appartient à une catégorie rythmique éloignée du français (Wilhelm, 2012).

S’entrainer dès le primaire à écouter et répéter

Les recherches montrent que la confrontation à une langue étrangère en primaire permet de développer la capacité des élèves à discriminer ces sons, qui est maximale avant 10 ans. Les recherches (Campfield et Murphy, 2014, 2017) ont montré une amélioration des performances d’élèves de CE1-CE2 (apprenant l’anglais dans des écoles polonaises) grâce à l’exposition à des séquences rythmées à l’accentuation marquée. Cette amélioration tient principalement à la prise en compte de l’ordre des mots dans les énoncés, et dans une moindre mesure à la connaissance des prépositions. Des activités de répétition peuvent être mises en place avec les jeunes élèves afin d’entrainer les aspects de prosodie, d’accentuation, de rythme (Voise, Cnesco, 2019). Par ailleurs, des activités d’observation sont propices à entrainer le rapport entre la façon dont une syllabe s’écrit et la façon dont elle se prononce, en comparant les formes écrites de deux sons proches.

Par exemple…

Faire comparer les sons de mots qui n’ont qu’une seule lettre de différence, afin de comprendre l’importance de la voyelle finale.

Différences de prononciation d’une même lettre
Kate has a cat

Scinder le discours afin de reconnaitre les mots et les relations entre eux

Une difficulté à séparer les mots qui focalise l’attention

Lors d’un discours oral, il n’y a pas une pause entre chaque mot (comme les espaces dans un texte écrit) mais des groupes de 7 à 9 mots en moyenne. En langue de la maison, les mots sont séparés et reconnus naturellement. L’attention de l’élève peut donc être focalisée sur la gestion du sens et de la situation de communication, le cas échéant, par exemple adapter son discours en fonction des réactions de son interlocuteur. En langue étrangère, les ressources d’attention sont limitées et vite saturées par les opérations de décodage : il devient donc difficile de reconstruire le sens d’un discours se déployant en temps réel.

Entrainer des aspects spécifiques de l’écoute

Ces opérations peuvent être entrainées par le biais d’écoutes en profitant de consignes spécifiques : les recherches ont par exemple montré que le fait de réaliser avant l’écoute des hypothèses sur les mots qui pouvaient se trouver dans le document conduisait les élèves à se focaliser sur cet aspect (Roussel, Cnesco, 2019).