QUESTIONS D'ENSEIGNEMENT - QUELLES MATHÉMATIQUES POUR QUELLES FINALITÉS ?

Comment favoriser un enseignement démocratique des mathématiques au Sénégal ?

Mouhamadou El Hady Ba, université Cheikh Anta Diop (Sénégal)

À retenir

Mouhamadou El Hady Ba présente des pistes pour démocratiser l’enseignement des mathématiques au Sénégal.

  • Les sciences cognitives montrent que tous les êtres humains possèdent les structures cognitives leur permettant d’apprendre les mathématiques : les individus ne sont pas intrinsèquement doués (ou non) pour cette discipline.
  • Les représentations sociales selon lesquelles l’aptitude au raisonnement mathématique serait innée sont potentiellement délétères pour les apprentissages des élèves. En effet, elles entretiennent une conception fixiste de l’intelligence – c’est-à-dire une idée selon laquelle l’intelligence est un attribut naturel que certains auraient et d’autres n’auraient pas. Une telle conception incite les élèves à considérer l’échec comme une atteinte à leur identité personnelle, et par conséquent à éviter les situations qui peuvent les mettre en difficulté, comme certaines situations d’apprentissage. Ces stratégies peuvent, à terme, amener les élèves à développer une incompétence apprise : ces derniers se pensent alors incapables de mener un raisonnement mathématique, alors même qu’ils disposent de toutes les capacités nécessaires pour le faire.
  • La recherche a identifié plusieurs conditions nécessaires à la mise en place d’un enseignement efficace des mathématiques : aider les élèves à articuler leurs processus de réflexion, se focaliser sur leurs processus de pensée pour comprendre leurs erreurs, ou encore fournir des rétroactions détaillées sur leurs productions.

Inégalités dans l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques au primaire au Sénégal : quelles pistes d’explication ?

Hamidou Dia, université Paris Cité (France)

À retenir

À partir des évaluations externes des acquis des élèves, Hamidou Dia s’intéresse à différentes pistes pouvant expliquer les inégalités dans l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques au primaire au Sénégal.

  • Certaines inégalités sont liées aux caractéristiques individuelles et familiales des enfants : un haut niveau d’instruction (études universitaires) du chef de ménage et l’accompagnement scolaire par la mère sont associées à de meilleures performances en mathématiques. Le statut de l’école fréquentée par les élèves est également un facteur différenciateur : les élèves scolarisés dans des écoles privées formelles obtiennent de meilleures performances en mathématiques que leurs pairs scolarisés dans des écoles publiques ou des écoles coraniques.
  • Il existe des inégalités d’origine territoriales, à la fois zonales (les enfants résidant en milieu urbain réussissent mieux que leurs pairs résidant en milieu rural) et régionales (les élèves scolarisés dans le Nord et dans l’Ouest du Sénégal obtiennent de meilleures performances en mathématiques que leurs pairs scolarisés dans l’Est et le Sud du pays).
  • Plusieurs pistes pourraient expliquer les faibles résultats de certains publics scolaires, à commencer par les plus vulnérables : on peut notamment citer la régularité des mouvements de grève des enseignants, le peu de place accordée aux sciences dans l’éducation arabo-islamique, ou encore le manque de valorisation des mathématiques au sein de la société sénégalaise.

Comment la prise en compte des savoirs mathématiques locaux pourrait-elle contribuer à l’amélioration de l’enseignement et de l’apprentissage des mathématiques ?

Kalifa Traoré, École normale supérieure de Koudougou (Burkina Faso)

À retenir

Kalifa Traoré s’intéresse à la façon dont la prise en compte des savoirs mathématiques locaux pourrait contribuer à l’amélioration de l’enseignement et de l’apprentissage de cette discipline.

  • L’ethnomathématique s’inscrit en faux contre une vision universaliste des mathématiques : elle étudie comment les connaissances mathématiques ont été construites historiquement dans différents contextes culturels.
  • Au Sénégal, les pratiques mathématiques scolaires peuvent différer des pratiques mathématiques quotidiennes. Certaines tâches peuvent en effet être résolues différemment selon le contexte, expliquant ainsi certaines difficultés des élèves : par exemple, les problèmes de vente de biens sur les marchés n’appellent pas la même réponse en milieu scolaire (prix exact) et dans la vie quotidienne (négociation du prix des marchandises).
  • Des exemples concrets (construction de la base d’une case) montrent comment un enseignement des mathématiques davantage articulé sur les pratiques mathématiques développées au quotidien peut être mis en œuvre ; l’explication des ressources mobilisées dans les pratiques sociales permet de contextualiser l’enseignement des mathématiques et de donner sens aux apprentissages scolaires.

Quel est l’impact des inégalités territoriales de préscolarisation sur les performances mathématiques ultérieures ?

Abdou Salam Fall et Soufianou Moussa, université Cheikh Anta Diop (Sénégal)

À retenir

Abdou Salam Fall et Soufianou Moussa s’intéressent à l’impact des inégalités territoriales de préscolarisation sur les performances mathématiques ultérieures des élèves au Sénégal.

  • Au Sénégal, le taux brut de préscolarisation s’élève à 16,9 % (2021). Cette moyenne nationale cache toutefois des disparités territoriales : au niveau zonal, le taux brut de préscolarisation est quatre fois plus élevé en milieu urbain qu’en milieu rural (27,3 % vs 6,3 %).
  • Plusieurs études (fondées sur l’analyse des évaluations des acquis des élèves) soulignent les effets positifs de la préscolarisation sur les performances scolaires ultérieures des enfants, que ce soit au Sénégal ou à l’échelle internationale.
  • Le baromètre Jàngandoo permet de mettre en évidence des écarts de performance en mathématiques différenciées selon les zones : l’effet de la préscolarisation est plus important en milieu urbain qu’en milieu rural. La plus grande qualité des établissements préscolaires urbains (infrastructures, disponibilité du matériel pédagogique, formation des animateurs, etc.) pourrait expliquer ces inégalités territoriales.