Projets innovants pour améliorer l'enseignement et l'apprentissage des mathématiques au primaire

Afin de faire écho à certaines recommandations du jury de la conférence de consensus, le Cnesco et la Confemen mettent en lumière des initiatives dans d’autres pays que le Sénégal pour améliorer l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques au primaire.

Le programme TAFITA, mis en œuvre depuis 2016 dans onze régions de Madagascar, vise à renforcer les capacités des comités de gestion des écoles primaire (FEFFI) à mener des activités de rattrapage hors du temps scolaire (2e année → 5e année).

Six dimensions principales structurent ce programme :

1. Des sessions de formation des personnels de l’éducation (encadrants, directeurs d’école, etc.) : celles-ci se centrent davantage sur la modélisation de bonnes pratiques que sur l’apport magistral de contenus ;

2. Un focus sur les compétences de base : les principaux savoirs visés sont la reconnaissance des nombres, le principe de position de la numération et la maîtrise des quatre opérations de base ;

3. Un temps dédié aux activités de rattrapage : les sessions de rattrapage ont lieu sur des créneaux dédiés (environ deux heures) – le calendrier reste toutefois flexible pour tenir compte des contraintes locales ;

4. Une évaluation et un suivi réguliers : les progrès des élèves sont évalués toutes les dix sessions et suivis grâce aux outils informatiques ; en fonction de leurs besoins, les élèves sont répartis dans des groupes de niveau dont la composition est adaptée après chaque évaluation ;

5. De nouveaux supports pédagogiques : un guide pédagogique (instructions détaillées pour la mise en œuvre des activités de rattrapage) est remis aux enseignants ; le matériel préconisé est disponible localement et peu coûteux à réaliser (affiches simples par exemple) ;

6. Un soutien institutionnel et une implication communautaire : le ministère de l’Éducation nationale appuie le programme (bureaux régionaux de l’éducation, chefs de zone pédagogique, etc.) et les comités de gestion des écoles bénéficient de formations dédiées à la mise en œuvre des activités de rattrapage.

L’évaluation (quantitative et qualitative) du programme TAFITA a permis de mettre en lumière de nombreux résultats positifs :

Une amélioration significative des connaissances et compétences mathématiques des élèves : une étude réalisée au cours de l’année scolaire 2018-2019 montre que les élèves des écoles participants au programme progressent davantage que leurs pairs ;

• Une plus forte implication des élèves dans les activités scolaires : le travail individuel ou de groupe est plus fréquent (57 % vs 34 % du temps d’enseignement) ; il en va de même pour le travail actif (participation à un projet, pratique d’un jeu, etc.) (45 % vs 12 %) ;

• De nouvelles pratiques enseignantes : les enseignants utilisent davantage de matériel concret (bâtonnets) et de représentations picturales que leurs pairs ; ils posent à leurs élèves davantage de questions pour lesquelles il existe plus d’une bonne réponse (valorisation de l’utilisation de stratégies multiples) ;

• L’adoption d’une posture d’accompagnement des équipes encadrantes : les enseignants déclarent se sentir davantage soutenus par leurs inspecteurs ; les conseillers pédagogiques impliqués dans le programme sont quant à eux proportionnellement moins nombreux à juger que leur rôle est d’évaluer les enseignants (71 % vs 39 %).

En Afrique du Sud, le programme Bala Wande cherche, depuis 2020, à étudier la manière dont le matériel pédagogique peut soutenir l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques des élèves en début de scolarité (préscolaire → 3e année de scolarité primaire).

Le matériel pédagogique développé dans le cadre du projet comprend notamment :

• Un guide de l’enseignant, qui prévoit une planification quotidienne de l’enseignement des mathématiques et illustre le déroulement des leçons (usage du matériel, exemples de réponses possibles d’élèves, moments propices à l’interaction entre les élèves, etc.) ;

• Un cahier d’activités de l’élève, qui comprend des feuilles d’exercices et des jeux permettant de consolider les notions vues en classe ;

• Du matériel de manipulation (affiches, cartes de jeu, etc.) ;

• Un dictionnaire bilingue de vocabulaire mathématique ;

• Des vidéos exemplifiant de bonnes pratiques enseignantes.

Ce matériel pédagogique, conforme aux instructions officielles, a été élaboré selon une approche collaborative : les ressources imprimées et les vidéos ont été élaborées par une équipe composée de spécialistes de l’enseignement et de l’apprentissage des mathématiques, de membres d’ONG, d’enseignants, de cadres du Département de l’éducation de base, etc. Il est de plus disponible en plusieurs langues nationales : afrikaans, anglais, sepedi et xhosa.

Au terme de la première année de sa mise en œuvre, le programme Bala Wande a été évalué :

• Le volet qualitatif (observations de classe) montre que le matériel pédagogique proposé est effectivement utilisé par les enseignants ;

• Le volet quantitatif (évaluation des élèves de première année de scolarisation primaire) montre quant à lui des effets globalement positifs, quoique modestes, sur les acquis mathématiques des élèves. Certaines tâches sont mieux réussies par les élèves participant à Bala Wande (addition et soustraction notamment) ; toutefois, pour la majorité d’entre elles, on n’observe pas de différence significative entre les performances des élèves ayant participé au programme et celles de leurs pairs.

Mis en œuvre entre 2015 et 2023, le programme RAMP avait pour objectif d’améliorer les performances mathématiques des élèves jordaniens de la maternelle à la troisième année de scolarité primaire.

Plusieurs actions concrètes ont été mises en œuvre grâce au concours du ministère de l’Éducation nationale jordanien, touchant ainsi près de 3 000 écoles et plus de 1,1 million d’élèves :

• Le développement et la distribution de matériel pédagogique pour chaque niveau scolaire ;

• La formation des enseignants, directeurs d’école, encadrants et administrateurs sur les façons de dispenser un enseignement plus efficace (recours à la manipulation, usage de la remédiation, etc.) ;

• La promotion de l’implication communautaire dans l’apprentissage des mathématiques ;

• Le soutien à l’adoption de politiques publiques, de curricula et de schémas d’évaluation des acquis des élèves en mathématiques au cours des premières années de scolarité.

Ces actions ont notamment permis l’émergence de nouvelles pratiques pédagogiques : les enseignants ayant participé à l’évaluation qualitative du projet ont par exemple déclaré systématiquement s’efforcer à établir des liens explicites entre les concepts mathématiques (mobilisation de la ligne numérique pour lier soustraction répétée et division par exemple).

Des observations de classe ont également montré que les élèves étaient encouragés à expliquer leurs démarches de résolution de problèmes et à échanger avec leurs pairs sur celles-ci. Face à une réponse incorrecte des élèves, 66 % des enseignants engageaient une discussion sur les raisons pour lesquelles la réponse était donnée était erronée (feedback).

Les connaissances et les compétences mathématiques des élèves jordaniens se sont également améliorées entre le début et la fin du projet. En troisième année de scolarité primaire, 29 % des élèves testés en 2023 valident l’EGMA (évaluation des acquis mathématiques des élèves de début de scolarité primaire comprenant des questions sur la reconnaissance des nombres, les opérations arithmétiques et la résolution de problèmes) contre 20 % des élèves en 2014.